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L’eau réinvestit le cœur des villes

Autrefois canalisée, l’eau retrouve une place de choix dans les espaces urbains. Esthétique, artistique et ludique, elle s’insère également dans la lutte contre le réchauffement climatique.

À la fois ressource et menace, l’eau a toujours eu un rôle déterminant dans le développement de la Suisse. Si les premiers villages néolithiques se sont construits sur les rives des lacs et des cours d’eau, l’élément aquatique a aussi souvent été perçu comme un vecteur de maladies. Sans oublier les innombrables inondations et autres crues.
Pour limiter les risques, nos ancêtres ont multiplié les canalisations et les égouts. «Il faut se rappeler qu’à la fin du XIXe siècle, l’eau était un sujet politique central à Lausanne, remarque Emmanuel Reynard, professeur de géographie à l’Université de Lausanne. À cette époque-là, on captait les eaux du bassin-versant puis on s’est rendu compte que le lac Léman était une ressource quasiment inépuisable. De nos jours, il existe une tendance consistant à rendre visibles les eaux autrefois cachées, cette démarche participe d’une volonté d’avoir davantage de nature en ville.»

Une démarche soutenue par les spécialistes de la question, mais aussi par les élus. Natacha Litzistorf, municipale verte en charge du logement, souhaite que la présence de l’or bleu soit renforcée dans la capitale vaudoise : «Avant d’être élue à la Municipalité, j’avais déjà déposé un postulat pour une conception directrice de l’eau dans la ville. Je suis convaincue que cela correspond à un urbanisme moderne et que l’eau peut avoir une mission sociale. Il faut revitaliser les rivières en les mettant à ciel ouvert, c’est ainsi que l’on doit penser la ville durable du futur.»

 

La Suisse alimente le Pô, le Rhin, le Danube et le Rhône.

Multiples fonctions

Les spécialistes situent au début des années 2000 le retour en grâce de l’élément aquatique dans les villes romandes. Ces dernières accusent un retard sur leurs homologues alémaniques comme aime le rappeler Laurent Daune, professeur à la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève : «Cela fait trente ans que la question de l’eau dans la ville fait partie intégrante du développement urbain outre-Sarine. À Genève, il y a quelques initiatives intéressantes comme la valorisation des étangs urbains, mais elles sont encore trop discrètes, il faut aller plus loin. Il y aurait plusieurs aspects intéressants à exploiter comme la gestion des eaux pluviales à ciel ouvert, mais aussi le retour du mythe de l’eau naturel avec des fontaines qui ont une fonction davantage ludique qu’esthétique.»

L’eau a également un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, elle permet d’abaisser les températures. La Ville de Vancouver au Canada a mené une étude qui illustre une partie de cette réalité. Si 10% des toitures de la métropole étaient végétalisées, la consommation énergétique pourrait être réduite de 5% et la température baisserait d’un degré. L’eau et la végétation s’imposent de plus en plus comme des moyens naturels de régulation du climat urbain. Au fil des années, spécialistes de la question et élus ont donc radicalement revu leur position sur la question de l’eau dans la ville. Ils ont également pris conscience que la gestion de cette ressource en milieu urbain est complexe, mais aussi déterminante pour un avenir durable des villes. Les initiatives en ce sens se multiplient depuis quelques mois, comme le souligne Emmanuel Reynard : «À Lausanne, par exemple, certains parkings disposent de surfaces drainantes. Dans le quartier du Flon, les toits végétalisés ont des effets positifs sur l’écoulement des eaux de pluie. Toutes ces démarches sont devenues essentielles, car le réseau d’égouts est saturé, il faut donc trouver des solutions alternatives en phase avec leur époque. Ce n’est pas anecdotique, il s’agit de montrer l’exemple pour les générations futures. » Il faut également se souvenir que la Suisse alimente le Pô, le Rhin, le Danube et le Rhône, son rôle modèle en matière de gestion de l’eau est donc naturellement ancré dans son histoire…