L’agriculture qui ne voulait pas mourir
Plus personne ne conteste le fait que l’urbanisation grignote allègrement les terres agricoles, en Suisse comme ailleurs. L’ennui est que les trois quarts du territoire helvétique se prêtent mal à une autre utilisation que l’élevage. Si la production indigène assure quelque 60 % de l’alimentation suisse, des cantons comme celui de Genève sont bien loin d’atteindre ce pourcentage ; or c’est précisément Genève qui connaît des excédents démographiques records, une pénurie de logements d’ampleur historique et un retard phénoménal en termes d’infrastructures.
Construire, c’est bien souvent utiliser des terres fertiles. Régulièrement, les agglomérations déclassent du terrain arable pour bâtir des immeubles, des routes, des équipements. Le spectre menaçant des oppositions et des recours, dès qu’on s’approche d’une habitation, incite les pouvoirs publics comme les promoteurs privés à lorgner sur des parcelles où poussent les cardons. Parallèlement, lors-qu’on construira, on évitera d’autres ennuis, retards et recours en abdiquant peu à peu les belles ambitions de densité : au lieu de mille logements, on finira par n’en faire que trois cents, dans de « petits immeubles villageois à taille humaine sis dans un écrin de verdure ».
Quant au paysan, il ira s’amuser avec son bruyant tracteur un peu plus loin, toujours plus loin. Mais au fait, a-t-on toujours besoin d’agriculteurs ? Le dollar et l’euro sont faibles, autant jouir de la mondialisation ! Ce raisonnement très citadin rencontre davantage d’écho qu’on ne le croit. Et ni les efforts de Berne pour réformer l’aménagement du territoire, ni le projet de politique agricole 2014-2017 ne rassurent vraiment les agriculteurs.