Interview de Robert Cramer
La politique de « verdissement » menée par la ville de Genève, entre autres, est-elle suffisante, ou préconiseriez-vous des mesures de plus grande ampleur ?
Robert Cramer – Ce qui est entrepris et réalisé à Genève est bien ; on peut évidemment aller plus loin. Je suis convaincu que, demain, la question ne portera plus sur des jardins d’agrément, esthétiques ou décoratifs, mais aussi sur des potagers urbains et la végétalisation quasi systématique des toitures. En Suisse alémanique, ces phénomènes ont pris de l’ampleur, notamment dans les zones industrielles où des espaces naturels de toute sorte ont été aménagés.
– La nécessité de créations originales, de jardins ou d’espaces verts hors du commun, est-elle ressentie par la population, ou celle-ci vous semble-t-elle préférer la multiplication de petites touches de nature partout où cela est possible ?
– C’est difficile à dire, mais une chose paraît évidente : Genève est sans aucun doute le canton suisse où les gens sont le plus viscéralement attachés aux arbres. Il suffit de monter au sommet du Salève pour constater que la ville, vue de haut, ressemble à une forêt. La législation genevoise est d’ailleurs unique en son genre puisqu’il faut obtenir une autorisation et verser une indemnité lorsqu’on veut abattre un arbre. On peut donc légitimement imaginer que la population apprécie toutes les incursions de la nature dans le paysage urbain, qu’il s’agisse d’un bout de pelouse, d’un massif de fleurs ou d’arbustes dans les interstices entre les immeubles.
– D’autres villes, d’autres cantons sont-ils en avance sur Genève et sur Lausanne ?
– Naturellement ! Le grand projet ZüriWest a été l’occasion pour les Zurichois de concilier l’édification de la « Prime Tower » et l’installation d’importants espaces verts tout autour. A Bâle, les potagers urbains ont pris une place importante et le site industriel réhabilité du Landhof est une vitrine de nature en ville. A Berne, il en est de même du quartier de Fröschmatt. On peut aussi citer de plus petites villes, comme Aarau. Lausanne a montré l’exemple de ce que pouvaient donner des espaces naturels un peu sauvages en pleine ville, loins du cliché des géraniums alignés et du gazon à l’anglaise. Genève suit de façon résolue ; on dépasse tranquillement l’époque où la culture potagère artisanale ne paraissait concevable qu’au sein des fameux jardins familiaux.
– La ville écologique de demain est-elle une utopie ?
– Non seulement ce n’est pas une utopie, mais c’est une nécessité absolue ! Le réchauffement climatique n’est plus nié par personne et, quelles qu’en soient les causes, il va conduire au fil des années à une augmentation de la température ambiante d’un ou de plusieurs degrés. Pour les habitants des villes, une présence accrue de végétal est indispensable, afin de compenser la concentration de chaleur liée aux éléments minéraux. Je crois que nos contemporains l’ont déjà compris: la tendance au retour à la nature, la multiplication des cultivateurs amateurs, le succès de films comme Demain, les réactions aux dérèglements manifestes tels que les tempêtes et autres inondations l’indiquent clairement. Ce n’est plus un sujet de débat, c’est un consensus.
La ville écologique : ce n’est plus un sujet de débat, c’est un consensus.