Bâle , une ville laboratoire

Une des leçons essentielles fut l’importance de dépasser certaines oppositions binaires.

Samedi 16 et dimanche 17 avril, dans le cadre d’un atelier en groupes pluridisciplinaires Construction et environnement, des étudiantes et étudiants de l’hepia ont visité Bâle. Le choix de cette ville découle des nombreux projets novateurs qui y fleurissent. En effet, Bâle se distingue depuis plusieurs années par une réflexion de pointe autour de thématiques essentielles pour l’élaboration de solutions durables aux défis actuels. Celles-ci passent par un meilleur usage de ressources se raréfiant, qu’il s’agisse d’espace ou de matières premières. Le parcours a notamment intégré plusieurs quartiers servant de laboratoire à l’émergence d’une société dans laquelle la consommation énergétique par personne se limite à 2000 watts, c’est-à-dire le tiers du standard suisse actuel. Cet objectif nécessite de repenser en profondeur certaines habitudes, mais l’exemple bâlois montre que le but peut être atteint sans amoindrissement de la qualité de vie. Cependant, la complexité de la tâche exige une forte interaction entre les disciplines. Enjeux écologiques, économiques et sociaux doivent être intimement intégrés aux réflexions architecturales et urbanistiques. Cet esprit de partage des connaissances a caractérisé un séjour dont une des leçons essentielles fut l’importance de dépasser certaines oppositions binaires. Entre architecture et paysage, espace privé et public, initiative individuelle ou collective, toute une gamme de nuances est à explorer pour trouver les ajustements permettant d’imaginer la ville de demain, non pas pire mais meilleure que celle d’aujourd’hui.

Basel-Süd : construire la ville sur la ville

A Bâle comme dans les autres grandes villes de Suisse, la construction de la gare, au XIXe siècle, a constitué un moment important. Bâti en périphérie du tissu existant, cet équipement a ensuite été absorbé par le développement urbain. Le réseau ferroviaire est ainsi devenu un élément clivant entre différentes parties de la cité. Un des enjeux importants de la ville contemporaine est d’éviter la création de quartiers fermés sur euxmêmes. Longtemps en marge, celui de Gundeldingen, à l’arrière de la gare de Bâle, a fait l’objet d’importantes interventions qui ont permis de le désenclaver. La plus emblématique de celles-ci est la passerelle jetée au-dessus des voies, en 2003, par les architectes Cruz y Ortiz et Giraudi-wettstein. L’intelligence de ce dispositif dont la silhouette évoque une chaîne de montagnes fait qu’il a à la fois créé une image accueillante de Bâle lorsqu’on y arrive en train, amélioré les circulations dans la gare et relié, par un trait d’union animé de cafés et de commerces, une partie défavorisée de la ville à son centre. L’impulsion qu’il a donnée à la transformation du Gundeli a été accompagnée par d’autres projets comme l’amélioration de la qualité de l’espace public par un travail sur les places et les rues ou la réalisation du bâtiment Südpark par Herzog & de Meuron, terminé en 2012, comprenant un programme associant commerces, bureaux et logements.

Basel-Nord : repenser les limites

Si le sud de la gare de Bâle donne des exemples d’interventions sur un tissu existant pour l’adapter aux exigences actuelles, le nord de la ville illustre une autre thématique aujourd’hui essentielle : le décalage grandissant entre la continuité du territoire concerné par le développement d’une métropole et les découpages politiques en place. Au carrefour de trois pays, le cas bâlois est particulièrement intéressant. Les quartiers d’Erlenmatt et de St. Johann sont voisins, séparés par le Rhin. Le premier touche l’Allemagne, le second la France. Ces dernières années, tous deux ont complètement changé de visage. Ce ne sont plus des zones souffrant de la distance qui les sépare du centre de Bâle mais des articulations d’une pensée urbanistique dépassant les frontières nationales. Autrefois périphériques, les gares qui les relient au réseau CFF, la Badischer Bahnhof et celle de St. Johann, sont devenues des points à partir desquels organiser une agglomération franco-germano-bâloise. La consommation est également un thème dont ces projets explorent les limites. Neuf, le quartier de 25 600 m2 d’Erlenmatt est certifié « Site 2000 watts ». St. Johann est transformé en appliquant les mêmes principes, cette fois-ci au travers d’interventions ponctuelles. L’image et le statut de cette partie de la ville ont tiré un grand bénéfice de la création du Campus Novartis, ensemble de bâtiments signés d’une myriade d’architectes parmi les plus célèbres d’aujourd’hui. Quelle que soit l’échelle des projets, l’attention portée à l’espace public est un des aspects fondamentaux pour comprendre comment Bâle réussit à concilier densification et qualité de vie. A Erlenmatt, ce sont de subtiles transitions entre le parc au coeur du dispositif, places publiques, cours autour desquelles s’organisent les logements, balcons et loggias dont ceux-ci profitent qui permettent de concilier vie en commun et intimité. A Gündeli et St. Johann, quartiers longtemps parmi les moins prisés, des aménagements ont permis d’améliorer le cadre de vie de la population avec des moyens simples. Quant à l’animation de Dreispitz, elle doit beaucoup à la convivialité des espaces dans lesquels circulent et se rencontrent des profils allant de l’étudiant au touriste en passant par la propriétaire d’un logement haut de gamme. Au-delà de ces projets phares, auxquels il faut ajouter d’impressionnantes réalisations récentes comme le nouveau complexe de halles de la Foire de Bâle, la tour Roche ou l’agrandissement du Kunstmuseum pour saisir le dynamisme bâlois, un ensemble de parcs et de places réaménagés avec attention dans la ville ancienne sont venus créer des oasis de bien-être, comme le grand hall ouvert à tous et à toutes d’Unternehmen Mitte, bâtiment abritant une grande diversité d’activités et de personnes cohabitant harmonieusement, à l’image d’une ville où s’invente, dans sa grande tradition humaniste, une relation entre société et environnement riche d’espoirs pour l’avenir.