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Une oeuvre d’art, de bois et de lumière

Le cabinet berlinois Sauerbruch Hutton a remporté le prix allemand d’architecture 2015 avec la réalisation de l’église de l’Emmanuel de Cologne. L’alliance réussie de l’humilité et de l’originalité.

Depuis la rue, le temple se signale par une tour-clocher de 17 mètres de haut. Seul signe d’immodestie, car le visiteur gravissant quelques marches est ensuite enveloppé par la douceur d’un lieu paisible et harmonieux, au coeur de ce quartier de modestes pavillons de Stammheim. De la lisière du petit parc aux allures de pré communal, dessiné par le cabinet zurichois Hager Partner, un chemin sinueux serpente entre les arbres anciens pour mener au bâtiment principal : une église luthérienne et moderne. Elle remplace l’ancien lieu de culte conçu dans les années 1960 et tombé en désuétude à l’orée des années 2000. La paroisse opte alors pour la construction d’un bâtiment neuf et se prononce pour le projet audacieux du cabinet renommé Sauerbruch Hutton, vainqueur parmi six candidats et connu des Genevois pour avoir conçu le Saint-Georges Center. Le temple est baptisé, en mars 2013, après un an de travaux. Cette église de l’Emmanuel correspond aux voeux des fidèles, qui souhaitaient un bâtiment qui imprime la pupille sans être tape-à-l’oeil.

Sa force repose sur sa simplicité.

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Saint-Georges Center. Implanté à la Jonction, ce bâtiment signé Sauerbruch Hutton renouvelle le style architectural du quartier.

Des fenêtres du ciel

Les lattes de mélèze finlandais, imbriquées en diagonale, ornent l’extérieur d’une structure carrée vue du ciel. De face, le bâtiment principal de 11 mètres de haut est flanqué de deux nefs collatérales. La porte de verre s’ouvre sur un espace rectangulaire clairement structuré, aux angles adoucis. Là encore, le bois finlandais, dont les nervures affleurent, s’impose en douceur. Comme matériau de construction, les architectes ont misé sur le lamibois Kerto. Les pans ondulés d’épicéa teinté de blanc encadrent le foyer qui peut accueillir 160 personnes. Dans un bâtiment sacré, la lumière céleste est toujours la bienvenue, elle inonde l’autel légèrement surélevé, par une large ouverture du toit. Ces « fenêtres du ciel », comme les ont baptisées les paroissiens, illuminent au passage le mur du fond, composé de lamelles de bois couleur pastel, qui répercutent parfaitement les sons des tuyaux de l’orgue dissimulé derrière. De part et d’autre de l’autel, des parois de bois peuvent s’effacer pour élargir l’audience ou accueillir un orchestre de chambre. L’acoustique est douce, comme l’éclairage des loupiotes halogènes descendues du plafond. L’ensemble baigne dans une atmosphère tamisée et intime, propice à la méditation et au recueillement. Le pasteur de la paroisse dit sentir la « présence de Dieu un peu partout ».

Sa force repose sur sa simplicité

Au fond de la salle, la perspective oblique doucement vers le haut et vers la droite, l’ombre chinoise des arbres se reflète sur une grande vitre légèrement dépolie. La perspective est accompagnée par une galerie pour les fidèles, en haut de quelques marches. L’ensemble est complété à l’extérieur par un columbarium et une petite chapelle, dont le seul ornement est une croix stylisée. La force de cette architecture repose sur sa simplicité, presque son puritanisme, dépouillé de tout ornement sacré. Le coût de l’ouvrage s’élève à 4,1 millions de francs suisses, les 200 000 euros d’excédent par rapport au budget prévisionnel ont été collectés par les fidèles. La preuve que l’humilité peut se combiner à l’originalité.

Le prix gagne en réputation depuis sa création. Attribué tous les deux ans, il est organisé conjointement par le Ministère fédéral de la construction et la Chambre allemande des architectes. Sa vocation est de récompenser les ouvrages réalisés sur le sol de la République fédérale – constructions, rénovation, réhabilitation – qui, « grâce à leurs qualités architecturales particulières et leur degré d’innovation, apportent une contribution positive à l’espace public ». L’écologie, l’esthétique et l’acceptabilité sociale figurent au rang des critères prioritaires pour le jury, présidé cette année par l’architecte Volker Staab, épaulé par un aréopage de confrères. Parmi les 160 projets présentés, celui du cabinet Sauerbruch Hutton (également sélectionné dans la short-list du prix européen Mies Van der Rohe) a remporté la mise des 30 000 euros. Au palmarès depuis 1971, figurent parmi les lauréats Daniel Libeskind pour le musée juif de Berlin ou Axel Schultes, Charlotte Frank et Christoph Witt pour la chancellerie fédérale allemande. Pour en savoir plus : http://www.bbr.bund.de/BBR/DE/WettbewerbeAusschreibungen/DeutscherArchitekturpreis/Architekturpreis_node

Le prix allemand d’architecture
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Patrimoine Urbanisme