Une application pour rouler en santé

Rouler à vélo est une bonne façon de limiter le taux de pollution en ville. Toutefois les cyclistes qui bravent le trafic sont les premiers à avoir le nez plongé dans les gaz des pots d’échappement des véhicules avec lesquels ils partagent la route. Heureusement depuis peu, un outil intelligent indique un itinéraire « santé ».

Pour limiter l’inhalation de ces cocktails urbains nocifs pour la santé, plusieurs chercheurs planchent sur de nouveaux outils intelligents, légers, et surtout mobiles, capables de donner en temps réel un portrait de la qualité de l’air aux citadins en déplacement. A l’Université McGill, à Montréal, une équipe d’ingénieurs a créé un outil interactif en ligne qui permet aux cyclistes de jauger en un clic le niveau de pollution sur le trajet précis qu’ils souhaitent emprunter… Et leur proposer une alternative plus propre ou moins courue par les voitures.

Une carte interactive

Tout juste lancée, la carte interactive surnommée BicyclAir permet aux cyclistes de cliquer sur un point de départ et d’arrivée. L’outil web offre aux adeptes du vélo trois options dont un trajet bleu vers le chemin le plus court, un trajet vert, pour un circuit moins pollué, ou un circuit rouge, pointant l’itinéraire plus « calme » à emprunter pour se rendre à bon port en croisant moins de voitures. Ce portrait-photo du niveau de la pollution existant sur différentes artères de la ville a été ficelé grâce aux échantillons recueillis pendant quatre ans par des cyclistes bénévoles dotés de vélos équipés de capteurs d’air sophistiqués, d’une valeur de 42 000 euros pièce. « Même si on n’est pas en Chine ou à Mexico, les effets de la pollution sur la santé humaine sont connus. Cette pollution a des impacts nocifs, surtout sur les personnes vulnérables. L’idée de cette “ appli ” est née parce que l’on travaillait déjà à créer une carte de la pollution à Montréal », explique Maria Hatzopoulou, professeure et chercheuse à l’Université McGill. S’il ne s’agit pas d’une application à proprement parler – à télécharger sur un téléphone intelligent – l’outil web peut en un tournemain révéler le degré de pollution attendu entre un point A et un point B. « Le trajet est suggéré grâce à un algorithme qui utilise les données sur la pollution enregistrée dans chaque segment de rue et optimise le parcours en fonction de ces données », ajoute la chercheuse de McGill.

L’OMS estime que les polluants atmosphériques sont à l’origine de plus de 3,7 millions de décès par année.

Parcours vert ou zen

L’outil web permet aussi de « voir » la carte des divers niveaux de pollution au dioxyde d’azote (NO2) dans la métropole en cliquant sur la case NO2, ou de superposer la carte des pistes cyclables aux divers trajets proposés. Pour relier la Vieille-Ville au Jardin botanique, « BicyclAir » suggère un premier trajet « express », où la pollution s’élève à 147 parties par million NO2 par kilomètre, plutôt que 143 ppm/km pour un parcours « vert », moins pollué. Pour rouler peinard loin des voitures, un itinéraire rouge propose un troisième circuit, zigzaguant loin des artères majeures. Sur ce parcours « zen », le cycliste croisera 1 232 voitures, plutôt que 5 500 pour les deux autres options. Surprise : ce trajet «antivoiture » s’avère toutefois plus pollué que le parcours rapide, plongé au cœur du trafic ! « Le trajet le plus calme n’est pas toujours le plus propre, parce que la pollution urbaine n’émane pas seulement de voitures », insiste Mme Hatzopoulou. D’ailleurs, l’outil BicyclAir vise à rendre accessibles ces données de recherche aux randonneurs, aux joggeurs ou même aux résidents, pas seulement aux cyclistes.

Des adeptes dans de nombreux pays

Dans d’autres pays aussi, la recherche sur les niveaux de pollutions atmosphériques préoccupe de plus en plus de chercheurs, compte tenu de leurs effets nocifs sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les polluants atmosphériques sont à l’origine de plus de 3,7 millions de décès par année. À l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le laboratoire de recherche sur les particules atmosphériques joue lui aussi d’audace pour parfaire la lecture de la qualité de l’air en milieu urbain. Là, c’est au crowdsourcing – données fournies par les usagers d’appareils mobiles – qu’on fait appel afin de dresser le portrait de la pollution ambiante. Pour recueillir des données en temps réel, le projet de recherche OpenSense met aussi à profit des capteurs postés sur des tramways à Zurich et des bus à Lausanne. Plutôt que de dépendre de stations fixes dont la lecture est très limitée dans l’espace, l’EPFL table sur la rapidité du web pour dresser un instantané de la pollution urbaine. Cela, « en donnant aux usagers des appareils mobiles peu coûteux pour recueillir des données sur le terrain. Cela nous procurera des données précise à des dizaines de mètres près, plutôt qu’au kilomètre près », soutient le chercheur et professeur responsable de ce laboratoire, Alchiero Martinoli. Mais trajets pollués ou pas, les cyclistes peuvent se consoler. Parmi tous les citadins, les études démontrent que ceux qui affectionnent le vélo sont moins exposés aux émissions nocives que les automobilistes eux-mêmes, puisque la pollution et les particules fines recrachées par les pots d’échappement s’accumulent dans l’habitacle des voitures. À bon entendeur, salut !