Grand Conseil, la reconstruction d’un symbole vaudois
Les travaux pour remettre en état le siège du Grand Conseil vaudois battent leur plein. Le chantier mise sur les artisans locaux et les technologies actuelles pour réduire son empreinte écologique. L’inauguration est prévue pour 2017.
Il aura fallu attendre près de douze ans pour voir le chantier du nouveau Parlement vau- dois débuter. C’est, en effet, au mois de mai 2002 qu’un incendie a complètement ravagé la salle historique du Grand Conseil. Depuis, les finances précaires du canton et les différentes oppositions ont repoussé le lancement officiel des travaux de reconstruction. C’est au printemps de l’année dernière que le chantier a enfin pu commencer. Et il s’annonce complexe. Installé au cœur de la cité lausannoise, l’édifice pose inévitablement des questions architecturales et urbanistiques. Il a fallu penser sa reconstruction en collant au plus près des perspectives de développement durable. Le défi est donc double : respecter les exigences contemporaines tout en renouvelant le lien démocratique entre un peuple et ses institutions, comme le confie Pascal Broulis, conseiller d’Etat vaudois en charge des Finances et des relations extérieures : « Ces travaux sont d’autant plus importants qu’ils permettent de préserver les vestiges qui ont échappé aux flammes et à la fumée. Les contraintes sont principalement liées au caractère historique de la colline de la Cité. Le terrassement est particulièrement délicat, car il faut maintenir les structures de l’époque de la construction de Perregaux en 1803 et surtout les structures médiévales, nombreuses dans le sous-sol. Il a fallu aussi prendre en compte les fouilles archéologiques préalables. Et certaines découvertes ont conduit à modifier le projet. En particulier, il a fallu préserver une fresque du Moyen Age mise au jour sur l’un des murs de la buvette du Parlement. » Le budget est estimé à 23 millions de francs, auxquels il faut ajouter la somme de 1,5 million pour le Secrétariat général du Grand Conseil qui jouxte le bâtiment. Si, aujourd’hui, toutes les parties prenantes saluent des travaux à forte valeur symbolique, il faut se rappeler que le projet a failli ne jamais voir le jour. Pascal Broulis s’en souvient très bien: « La collectivité vaudoise peut être fière. Il était plus que temps de remplacer la ruine laissée par l’incendie de 2002. Or, je rappelle qu’à l’été 2012 le projet était dans les cordes, menacé par un référendum. Les députés, les architectes, les référendaires, le Conseil d’Etat et ses services ont pu imaginer une solution, modifier l’édifice, bâtir un consensus et commencer le chantier. C’est un Parlement de concorde que nous inaugurerons avant la fin de cette législature et c’est ce qui me paraît le plus important.»
Matériaux locaux, artisans satisfaits, empreinte écologique réduite, tout est réuni pour que les habitants rappellent leur fierté.
Symbolique durable
Préserver le patrimoine, mais aussi avoir recours aux dernières technologies en matière d’économies d’énergie, ce sont les deux axes incontournables qui ont été privilégiés.
D’autant qu’un parlement symbolise le berceau de la démocratie, la construction doit donc montrer l’exemple et dialoguer avec le site sur lequel elle se situe. Une évidence pour Philippe Pont, chef du Service Immeubles, Patrimoine et Logistique (Sipal) du canton de Vaud : « En matière de consommation d’énergie, le projet aura des performances équivalentes au standard Minergie. La géométrie particulière de sa toiture et la qualité de son enveloppe thermique permettent une circulation d’air naturelle dans l’hémicycle. Elles garantissent un climat agréable, hiver comme été, avec un minimum d’apport d’énergie externe. Nous avons aussi favorisé la récupération des matériaux existants. Les blocs de pierre issus des démolitions seront réutilisés pour construire les murs intérieurs de la buvette du Parlement. Ce qui n’a pas été réutilisé sur place a été recyclé. Enfin, le chantier a fait l’objet d’un programme de réinsertion pour des chômeurs. Cette reconstruction applique donc les principes du développement durable. » Ouvert sur la cité, le nouveau Parlement vaudois, avec ses qualités énergétiques ancrées dans le XXIe siècle, peut également revendiquer un ample toit couvert de tuiles, elles aussi, vaudoises. Il s’agira de tuiles traditionnelles plates cannelées, de couleur rouge, faites avec de la terre prélevée à Corcelles-près-Payerne. La charpente fait également honneur au canton avec l’utilisation d’un bois 100 % vaudois issu de la forêt du Jorat. Un millier de sapins et d’épicéas ont ainsi été prélevés puis entreposés pour séchage. Daniel Ruch, dont l’entreprise a abattu les arbres, est évidemment heureux de cette démarche : « C’est un acte fort pour l’industrie forestière de notre canton car elle se retrouve en difficulté avec la force du franc. Les 2 000 m3 nécessaires à la charpente constituent la plus grosse commande de ces dernières années. Le problème, c’est qu’on ne pense pas assez au bois lorsque l’on doit réaliser des chantiers, la conjoncture est difficile. » Matériaux locaux, artisans satisfaits, empreinte écologique réduite, tout est réuni pour que les habitants rappellent leur fierté. Nathalie, quadragénaire et voisine du chantier, n’y voit que du positif : « Notre canton et, plus largement, notre pays ont besoin d’édifices symboliques et le nouveau Parlement vaudois rentre dans cette catégorie. Chaque jour, je passe devant et je peux ainsi vivre l’avancée du chantier. Je ne peux que me réjouir de son inauguration dans deux ans. » Même son de cloche de la part de Thomas, jeune étudiant à l’Université de Lausanne : « Cela ne doit pas être facile d’imaginer un nouveau bâtiment coincé au centre-ville, mais je suis confiant. Et puis, ils montrent l’exemple en pensant à l’écologie et en choisissant le bois. On devrait s’en inspirer plus largement car il faut penser à l’avenir de notre planète. »toute une région…
