Souvenirs d’Angleterre, Port Arthur en Tasmanie
Le commandant William Champ avait pour passion les jardins, de préférence britanniques. Il les préférait même à la bière. Un comble, écriront les chroniqueurs de l’époque. A 20 000 km de Londres, en terre de Van Diemen – qui deviendra la Tasmanie – où il vient de prendre son nouveau poste à la tête du pénitencier de Port Arthur, il décide de transformer les alentours en campagne anglaise. Dans les années 1830, son prédécesseur en avait déjà tracé les premiers sillons en plantant, autour de sa résidence, quantité d’arbres fruitiers et des baies en tous genres : des framboises, des groseilles à maquereau, des cassis… Charles O’Hara Booth était particulièrement fier de ses fraises. Mais William Champ voit plus grand. Il écrit à sa mère, lui demande d’envoyer des graines, des boutures, des tubercules de fleurs qui lui rappelleront, dit-il, « la vieille Angleterre ». La mère de William, enchantée par le zèle jardinier de son fils, lui expédie des graines de son jardin et des forêts environnantes. Entre les bâtiments des déportés et les quartiers des officiers fleurissent des camélias, des oeillets, des roses… cernés par les silhouettes de plus en plus hautes des chênes et des ormes. Les dames de la colonie viennent se promener dans ce jardin, séparé du quartier des prisonniers par une haie assez haute pour que les regards ne se croisent pas. Le bruit de la fontaine, alimentée par un petit canal, est ravissant. Quand il fait trop chaud, elles se reposent à l’ombre d’un saule pleureur dont les boutures viendraient de Sainte- Hélène, de l’arbre qui surplombe la tombe de Napoléon. Les bateaux britanniques qui voguent vers leurs colonies du bout du monde s’y arrêtent et les officiers profitent des escales en Afrique du Sud, en Amérique du Sud, en Inde, pour collectionner fleurs et plantes. Elles sont si exotiques ! De quoi alimenter les conversations d’un voyage qui dure huit mois et enrichir les jardins de Port Arthur, qui survivront à la fermeture du bagne. Parmi les vestiges de pierre se mêlent marguerites et fougères arborescentes. Comme un souvenir d’Angleterre sur des terres australes. ■