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Retour à l’expéditeur : le Canada pointé du doigt

Au printemps 2019, le Canada se retrouvait au cœur d’une guerre diplomatique avec la Malaisie et les Philippines, après avoir laissé pourrir dans leurs ports des déchets plastiques « faussement recyclables ».

Pas moins de 103 conteneurs rouillés et nauséabonds, bourrés de déchets supposément recyclables, ont précipité une partie de bras de fer entre des pays parmi les plus pauvres de la planète et le Canada. Il n’en fallait pas plus pour ternir le printemps dernier l’image de l’Unifolié, symbole d’un pays sans taches tant au plan politique qu’environnemental. « Retour à l’expéditeur », ont clamé en bloc les Philippines et la Malaisie à la face du gouvernement canadien, menaçant de remorquer ces masses malodorantes à leurs frais sur 11’000 kilomètres, jusqu’aux côtes canadiennes. Il faut dire que ces conteneurs de la honte, entassant pêle-mêle bouteilles et sacs en plastique, mais aussi couches souillées et déchets électroniques en vrac, ont levé le voile sur un problème inconnu de la plupart des Canadiens : le commerce illégal de matières « faussement recyclables », issues de leurs propres bacs à recyclage.

Cette « guerre des déchets », ouverte par le très impétueux président philippin, Rodrigo Duterte, a non seulement égratigné l’orgueil national, mais précipité une prise de conscience généralisée des ratés de l’industrie du recyclage dans le pays. L’échauffourée diplomatique, qui a entraîné le rappel des ambassadeurs et consuls philippins en poste au Canada, a été suivie de la même mise en garde par la Malaisie, elle aussi aux prises avec des conteneurs canadiens bourrés de matières à toutes fins intraitables. L’incident philippin s’est soldé par le rapatriement par le gouvernement canadien de 69 de ces conteneurs de la honte, alors que 34 autres ont été traités aux Philippines, malgré les objections de groupes écologistes et de responsables locaux.

Le mauvais élève

Chef de file de la lutte contre la pollution plastique au sommet du G7 en 2018, en proposant l’adoption d’une Charte mondiale pour les océans, le Canada s’est soudainement retrouvé coiffé du bonnet d’âne. Pourquoi ? Le pays a vécu de plein fouet le ressac entraîné par la fermeture quasi complète du marché chinois à l’importation de déchets plastiques recyclables. En 2018, la Chine fermait ses portes à 24 types de produits plastiques recyclables, privant abruptement de débouchés les pays exportateurs de ces plastiques mal-aimés, notamment le Canada. En un an, le volume de rebuts de plastiques canadiens expédiés en Chine a dégringolé de 96%. Courtiers et entreprises d’exportation se sont rapidement tournés vers d’autres pays comme l’Inde, le Vietnam, la Thaïlande et la Malaisie, eux aussi, déjà aux prises avec le trafic de ces indésirables qui finissent par souiller leurs propres environnements. « Nous exhortons les pays développés à revoir leur gestion des déchets plastiques et à cesser de les expédier vers les pays en développement », affirmait en mai dernier Yoe Bee Yin, ministre de l’Environnement de la Malaisie, dénonçant ces pratiques « injustes et sauvages ».

Cette « crise des déchets » a forcé le Canada à faire face à ses propres contradictions, mesurant du coup les lacunes de ses propres capacités de recyclage. Hasard ? Dès le début de juin, le premier ministre Justin Trudeau annonçait son intention de promulguer dès 2021 une loi pour bannir l’usage des plastiques à usage unique, notamment des sacs, ustensiles, assiettes, bâton-nets à mélanger. Mais le Canada, qui produit chaque année 3 millions de tonnes de déchets plastiques — 30% sont des emballages ou des produits à usage unique — aura fort à faire pour redorer son blason. À l’heure actuelle, moins de 10% du plastique récupéré par les programmes de collecte est recyclé, 4% sont brûlés et 86% vont remplir les sites d’enfouissement !

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