Vous avez dit « patrimoine » ?

La notion de patrimoine est directement issue de celle d’héritage ; notaires et banquiers ne pensent généralement pas aux Pyramides ou à la Vénus de Milo lorsqu’ils évoquent ce mot.

« L’héritage des pères » – patrimonium – n’est pourtant pas que financier et matériel. L’état de la planète, le visage de nos rues, la splendeur des monuments participent directement de cet ensemble que chacun souhaite a priori conserver, parce que, comme disait Hugo, « il faut des monuments aux cités de l’homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? »

Le patrimoine est polymorphe

Eh oui ! Ce qui nous distingue des fourmis (entre autres), c’est notre sensibilité à la beauté du paysage, à la pureté de l’eau, au message d’histoire et de civilisation que portent à l’évidence les monuments, mais aussi les fermettes en bois ou les œuvres d’art. Le patrimoine est polymorphe. Inépuisable en apparence, il est fragile, même s’il a parfois traversé les siècles : les arènes romaines de Poitiers, déjà largement pillées en matériaux durant le Moyen Âge, ont été rasées à la fin du XIXe siècle pour faire place aux Halles municipales.

L’Acropole a enduré les déprédations de religieux orthodoxes grecs avant de subir destructions ottomanes et larcins anglais. Quant au patrimoine naturel, inutile d’évoquer les avanies qu’il a connues, ici et ailleurs.

Le patrimoine peut se révéler sur le tard

Le patrimoine peut cesser de l’être, telles les statues de dictateurs ou Bastilles diverses. Il peut aussi se révéler sur le tard : écoles et mairies « Heimatstil » jugées hideuses durant quelques décennies et aujourd’hui vénérées. On pourrait dire la même chose des Tours de Carouge, premières HLM de Suisse, ou du Monument à Victor-Emmanuel à Rome, surnommé « la machine à écrire ».

John Ruskin, dans Les sept lampes de l’architecture, écrivait en 1850 : « La conservation des monuments du passé n’est pas une simple question de convenance ou de sentiment. Nous n’avons pas le droit d’y toucher. Ils ne nous appartiennent pas. » C’est un peu ce que disent les manifestants climatiques à propos de notre planète ; mais ces lignes furent publiées quelques années avant qu’on ne rase les arènes de Poitiers et l’année même où l’on démolit les fortifications de la Cité de Calvin…

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