Non, les grilles d’égout ne sont pas des poubelles
À tort, une majorité de la population, s’imagine que tout produit déversé dans les grilles d’égout finit sa course dans les stations de traitement des eaux usées. Cette croyance est responsable d’une pollution importante de nos cours d’eau. Voici un rappel des bonnes pratiques à observer.
Le tout-à-l’égout – système permettant d’envoyer indistinctement dans les égouts les eaux de pluie et les eaux usées des habitations – a beau ne plus exister sous sa forme première depuis les années 1960 dans la plupart des villes de Suisse, personne n’en a cure. « Dès les années 1970, d’importants travaux ont été entrepris pour passer du mode unitaire à celui dit séparatif, explique Alain Wyss, directeur du Service de la planification de l’eau, à Genève. Aujourd’hui, sur plus de 80% du territoire genevois, il n’y a que les eaux usées utilisées à domicile qui sont acheminées via des canalisations pour être traitées dans une station d’épuration (STEP). Les eaux collectées à l’extérieur, essentiellement d’origine pluviale, sont quant à elles restituées sans traitement au milieu naturel le plus proche, qui peut être une rivière, un lac, ou une nappe phréatique.»
Plusieurs campagnes de sensibilisation
Le hic, c’est qu’une majeure partie des habitants des villes suisses semblent l’ignorer. Qui n’a pas déjà vu quelqu’un déverser un seau rempli d’eau pleine de savon dans une grille, si ce n’est un reste de bidon rempli de produit de traitement. Pour remédier à cet état de fait, plusieurs campagnes d’information ont donc été mises sur pied ces dernières années. En 2007, plusieurs poids lourds de la gestion de l’eau situés de part et d’autre de la frontière genevoise – le canton de Genève et les Services industriels de Genève du côté suisse –, ont édité une brochure intitulée «Du robinet à la rivière, les gestes qui coulent de source».
Tout au long des pages, on y apprend le b.a.-ba de la récupération des eaux, avec un rappel des conséquences désastreuses que peuvent avoir les mauvais comportements sur la qualité de l’eau des rivières et, par ricochet, sur la biodiversité. En 2011, les garde-pêche suisses ont eux aussi voulu attirer l’attention du grand public sur la problématique de la pollution des cours d’eau, au travers de la campagne nationale «Sous chaque grille se cache une rivière». Celle-ci a été reconduite en 2013, avec la pose symbolique d’une dizaine de nouvelles grilles, en forme de poisson.
Communes peu réactives
En 2016, l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) a créé des plaques portant l’inscription « Ne polluez pas nos eaux » à l’intention des communes, que celles-ci peuvent se procurer pour 5 fr. pièce et ensuite apposer à côté des grilles problématiques. Mais cette initiative n’a pas suscité l’effet escompté, malgré le fait que toutes les communes suisses en ont été informées. « Selon les derniers chiffres dont nous disposons au niveau national, seules 70 communes en ont commandé, dont 18 en Suisse romande, relève Alain Wyss. C’est peu. » À Genève, le bilan n’est pas plus glorieux. Hormis Jussy et Bellevue, aucune autre commune ne semble intéressée.
Les pêcheurs genevois, qui s’associent à ces différentes actions de sensibilisation, déplorent bien entendu la situation. «C’est particulièrement dramatique lors des périodes d’étiage (soit le débit minimal d’un cours d’eau, ndlr), qui ont tendance à s’allonger avec le temps, note Christophe Ebener, président de la nouvelle Fédération des sociétés de pêche genevoises (FSPG). Dans des rivières comme la Drize ou l’Aire, le débit actuel ne dépasse guère quelques centaines de litres par seconde. Le moindre seau de produits toxiques déversé dans une grille peut avoir des conséquences dramatiques, car il n’y a tout simplement aucun facteur de dilution. De nombreux poissons sont à la limite de la survie.» Et le président de la FSPG de citer une récente étude menée le long de la Drize, qui a révélé un cas de mortalité de truitelles suite à des nettoyages de piscines dans les zones villas. «Il y a aussi eu des pollutions thermiques à l’aval de la zone industrielle de Plan-les-Ouates, générées par le déversement de produits chimiques. Ceux-ci contribuent à hausser la température de l’eau de quelques degrés, ce qui s’avère généralement fatal pour les poissons.» Préoccupés par la situation, les professionnels de la protection de l’eau prévoient déjà de reprendre leur bâton de pèlerin pour lancer une nouvelle campagne de sensibilisation.