N’hésitez plus, habitez autrement !

Lassés de vivre dans des espaces standardisés, de plus en plus de particuliers rêvent de tourner le dos aux logements conventionnels. Adieu maisons et appartements, bonjour conteneurs, yourtes et autres cabanes perchées dans les arbres. Tour d’horizon de quelques créations pas comme les autres.

Pour vivre heureux, vivons… perchés ! Tel pourrait être le slogan de La Cabane Perchée. Fondée en 2000 par Alain Laurens, cette société française a déjà à son actif la construction de plus de 250 cabanes dans les arbres, que ce soit en Suisse, en France, en Italie ou en Espagne. Si les premiers modèles ont été réalisés dans l’arrière-cour familiale du charpentier en chef Ghislain André, ancien Compagnon du Tour de France, l’entreprise a grandi depuis sa création. Les clients sont le plus souvent des particuliers ou des professionnels du tourisme désireux d’étoffer leur offre avec un produit original. Yann Arthus-Bertrand, premier à être devenu propriétaire d’une des cabanes d’Alain Laurens, a grandement contribué à lancer la renommée de l’entreprise. Dans Vivons perchés, un ouvrage paru aux Editions de La Martinière et présentant cinquante créations de La Cabane Perchée, le photographe français s’enthousiasme : « Vivre dans les arbres, c’est avoir ce coin secret que l’on cherche toujours, et qui, pour un temps, vous met à l’abri de tout et de tous. Vivre là-haut, c’est une sensation de liberté et de solitude bienfaisante. C’est un refuge où je vais chercher sérénité et inspiration. »

Content image
La cabane perchée dans un arbre. Le « simple lit perché » est devisé à 15 000 euros mais les cabanes d’hôtes peuvent atteindre 100 000 euros.

Conteneurs recyclés en logements

Dans un registre plus urbain, le conteneur de fret maritime détourné pour les besoins du logement est un autre exemple d’habitat alternatif dont le succès est en marche depuis quelques années déjà. Originaire des Pays-Bas, ce concept pour le moins étonnant n’a pas tardé à séduire les architectes et les particuliers en raison de ses nombreuses qualités. Suffisamment solides pour être empilés sur vingt niveaux lorsqu’ils sont chargés sur des bateaux, les conteneurs sont étanches et résistent à la corrosion de l’eau de mer, aux ouragans et aux tremblements de terre. Outre ces qualités techniques, leurs volumes sont relative-ment spacieux et complètement modulables, un peu à la manière des Lego. Durant l’été 2010, la ville du Havre a d’ailleurs inauguré la première cité universitaire de France entièrement bâtie à partir de conteneurs, dans un quartier situé face au port. Les 100 logements de 25 m2, tous équipés de panneaux solaires, présentent la même typologie : une chambre avec bureau au design intérieur soigné, une cuisine, une salle de bains traditionnelle et un balcon ou une terrasse. Les 20 logements du rez-de-chaussée sont quant à eux accessibles aux étudiants à mobilité réduite. Avant d’accueillir leurs nouveaux occupants, les conteneurs ont subi un lifting radical. Leurs deux extrémités ont été percées de baies vitrées. Ils ont « maigri » de 40 cm en largeur, isolation phonique et thermique oblige. Des murs coupe-feu en béton armés, et des patins en caoutchouc ont été implantés pour empêcher les vibrations. D’un coût de
5 millions d’euros, dont un cinquième a été financé par l’Etat, cette résidence universitaire a été construite en moins d’un an sur un terrain mis à disposition par la mairie. Chaque étudiant débourse environ 300 euros par mois, électricité, eau et réseau wi-fi inclus. Au cas où le test serait concluant au Havre, d’autres villes en manque de logements étudiants bon marché pourraient avoir recours à cette formule étonnante.

Content image
x
multi colored houses in red and orange and blue in Amsterdam
Autres habitats alternatifs, les conteneurs de fret maritime. Ils sont étanches et peuvent être empilés les uns sur les autres.

Vivre comme des nomades

Pour ceux qui ont l’âme nomade, la yourte est une autre alternative intéressante. Originaire d’Asie centrale, cette tente circulaire faite de tissu, de cuir et de bois est en train de s’imposer auprès d’un nombre croissant d’utilisateurs européens désireux d’expérimenter un nouveau mode de vie qui soit plus en accord avec leurs convictions, notamment en matière d’écologie. Le faible terrassement nécessaire permet de préserver le terrain et d’éviter le ballet des gros engins de chantier. N’étant pas ancrée au sol, la structure est démontable et peut être déplacée facilement. Particulièrement ingénieuse, celle-ci ne nécessite aucun clou ni amarrage au sol. Ses « murs » sont des treillis de bois pliables assemblés en cercle avec des cordages. Au centre, une coupole est dressée sur deux piliers afin de soutenir la charpente constituée de perches. C’est le nombre de « murs » qui détermine la surface au sol de la yourte. Leur superficie peut atteindre jusqu’à 125 m2. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les yourtes contemporaines offrent un niveau de confort élevé. Il suffit de se promener sur la Toile pour constater qu’un nombre croissant de sociétés proposent une large sélection de modèles allant de l’habitat minimaliste aux demeures les plus luxueuses avec cuisine, salle de bains et mezzanine. Elles sont le plus souvent chauffées au bois. Il est également possible d’installer des panneaux solaires en appoint pour l’eau chaude sanitaire. Côté commodités, les utilisateurs optent généralement pour des toilettes dites sèches, qui n’utilisent pas d’eau. En fonction des options choisies, les tarifs s’échelonnent entre 3 000 et 75 000 euros. Dans son livre intitulé Yourtes et Tipis, Isabelle Bruno rassemble quantité de témoignages de couples ou de familles ayant fait le choix de vivre en yourte. « Nous nous sommes tout de suite sentis bien dans cet habitat doux comme un grand nid, bien isolé par un feutre très épais, se souviennent Beatrix et Etienne Decle, la forme arrondie s’harmonise avec la nature et est apaisante pour l’esprit. »

Content image
La yourte. La structure est démontable et peut être déplacée facilement.

Bateaux autonomes en énergie

Enfin, si certains aspirent à vivre comme des nomades, d’autres rêvent de vivre sur l’eau. Pionniers des maisons-bateaux, les Hollandais ont contribué à révolutionner l’habitat traditionnel en exploitant l’espace sur les canaux de navigation. C’est dans cet esprit et à l’occasion de ses cent ans d’existence, que la société DeltaWonen a mis au point le geWoonboot, sorte de demeure flottante écologique dont un prototype est amarré sur un quai à Amsterdam. A première vue, cette construction en forme de cube de bois ressemble à n’importe quelle barge néerlandaise, avec un espace intérieur de 120 m2 généreusement éclairé par de grandes baies vitrées. La différence ? Pas de tuyaux, tubes ou câbles reliant la maison à l’extérieur. Pas plus que de raccordements à l’eau, au gaz ou à l’électricité.

Le chauffage est assuré par la chaleur des eaux usées qui circulent sous le plancher du bateau.

Autosuffisant, le geWoonboot ne consomme en théorie pas plus d’énergie qu’il n’en produit. Des panneaux solaires photovoltaïques, placés sur le toit, sont reliés à des accumulateurs qui stockent l’électricité. Le chauffage est assuré par la chaleur des eaux usées qui circulent sous le plancher du bateau. Quand on tire la chasse d’eau, l’eau de pluie récupérée sur le toit s’écoule. Deux réservoirs de 500 litres stockent l’eau de pluie et l’eau qui tourne en circuit fermé sur le bateau. Deux fosses septiques traitent les eaux usées, l’une pour les toilettes, l’autre pour la cuisine et la salle de bains. A mi-parcours de leur traite-ment, ces eaux sont pompées dans une seule et même réserve d’eau sale, puis dans un bac extérieur, qui irrigue un jardin de bambous et de roseaux. Les racines de ces plantes filtrent l’eau, tandis que les bactéries font le reste. Avant d’être à nouveau potable, le liquide passe successivement par un filtre spécial, un réservoir de contrôle et un réservoir final équipé d’une pompe. Les eaux sales ne sont à aucun moment rejetées dans la nature.

Content image
La maison-bateau. Amarrée sur un quai à Amsterdam, elle revient à 500 000 euros. Son coût de construction est peu élevé par rapport à une maison traditionnelle qui exige de creuser des fondations.

Bien que le bilan écologique du bateau puisse encore être amélioré – la présence à bord d’un générateur fonctionnant au diesel ne permet pas de déclarer le geWoonboot
100 % autonome sur le plan énergétique –, ce type de logement risque de faire beaucoup d’adeptes. D’un point de vue économique, la maison flottante est intéressante. Son coût de construction est peu élevé par rapport à une maison traditionnelle qui exige de creuser des fondations. Elle repose en effet sur des caissons de béton flottant, fixés à deux piliers solidement plantés dans l’eau qui assurent sa stabilité à l’ensemble en épousant les variations du niveau de l’eau.