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Naples : voyage au coeur de l’art contemporain

Imaginées par des architectes de renommée internationale et confiées à des pointures de l’art contemporain, les Stazioni dell’Arte proposent une expérience
unique aux usagers du métro napolitain.

Visiter un gigantesque musée d’art contemporain ouvert tous les jours de 6h à 23h, déambuler au milieu de 200 oeuvres produites par des artistes du monde entier… Le tout pour un euro, transport compris ! L’offre est tentante, n’est-ce pas ? Seule condition pour profiter de ce programme alléchant : se rendre à Naples et acheter un ticket de métro. Une fois le sésame en main, il suffit de se diriger vers les entrailles de la ville et emprunter, au choix, les lignes 1 ou 6 du réseau. Avec son dédale d’escaliers mécaniques suspendus dans le vide et ses jeux de miroirs, la station Garibaldi offre une porte d’entrée ludique dans ce monde souterrain. L’édifice, d’une profondeur de près de 40 mètres, laisse passer la lumière naturelle grâce aux « arbres » d’acier élaborés par Dominique Perrault, célèbre architecte français qui a notamment dessiné la bibliothèque François Mitterrand. A la sortie des escalators, avant de pénétrer sur les quais, certains usagers se font « piéger » par l’ingénieux trompe-l’oeil imaginé par Michelangelo Pistoletto. Ce maître de l’Arte Povera a détouré sur de vastes miroirs les photographies grandeur nature de passagers en train de se reposer ou de discuter. Ces silhouettes immobiles se mêlent aux reflets des voyageurs qui arpentent les couloirs du métro. Intrigués par ce spectacle, certains marquent une pause, d’autres passent leur chemin. Mais qu’ils le veuillent ou non, tous les usagers sont confrontés à cette expérience artistique.

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Naples, station de métro « Toledo »*. Inspirée du monde aquatique, elle est construite en partie sous le niveau de la mer. *Crater de luz (2012) d’Oscar Tusquets Blanca. Relative light (2012) de Robert Wilson.

Une exposition pour le prix d’un ticket de métro

C’est exactement le but recherché par Achille Bonito Oliva, le coordinateur artistique des Stazioni dell’Arte. Pour lui, ce « musée obligatoire » force les gens « à observer les oeuvres pendant leurs déplacements. Une familiarité se crée ainsi progressivement avec l’art contemporain, souvent considéré avec méfiance au début. » A la station Università, cette confrontation avec l’art prend même une tournure psychédélique.
Les lieux ont été complètement transformés par Karim Rashid. Surnommé le « roi de la couleur », ce designer égyptien a opté pour des contrastes spectaculaires. Vert fluo, fuchsia, orange… du sol au plafond, les teintes les plus vives recouvrent l’ensemble de la station. Cette profusion a un but précis : elle sert à guider les voyageurs. Chaque combinaison de couleurs indique une direction spécifique et facilite l’orientation des usagers. Proximité avec l’université oblige, le hall d’entrée de cet arrêt de métro célèbre la communication et la transmission du savoir. Deux imposants piliers noirs, en forme de profil humain, « conversent » symboliquement ensemble à côté d’une sculpture à l’aspect globuleux. Elle rappelle les synapses de notre cerveau et rend hommage à notre capacité de réflexion.

Une familiarité se crée ainsi progressivement avec l’art contemporain.

Une exposition pour le prix d’un ticket de métro

C’est exactement le but recherché par Achille Bonito Oliva, le coordinateur artistique des Stazioni dell’Arte. Pour lui, ce « musée obligatoire » force les gens « à observer les oeuvres pendant leurs déplacements. Une familiarité se crée ainsi progressivement avec l’art contemporain, souvent considéré avec méfiance au début. » A la station Università, cette confrontation avec l’art prend même une tournure psychédélique. Les lieux ont été complètement transformés par Karim Rashid. Surnommé le « roi de la couleur », ce designer égyptien a opté pour des contrastes spectaculaires. Vert fluo, fuchsia, orange… du sol au plafond, les teintes les plus vives recouvrent l’ensemble de la station. Cette profusion a un but précis : elle sert à guider les voyageurs. Chaque combinaison de couleurs indique une direction spécifique et facilite l’orientation des usagers. Proximité avec l’université oblige, le hall d’entrée de cet arrêt de métro célèbre la communication et la transmission du savoir. Deux imposants piliers noirs, en forme de profil humain, « conversent » symboliquement ensemble à côté d’une sculpture à l’aspect globuleux. Elle rappelle les synapses de notre cerveau et rend hommage à notre capacité de réflexion.

Un patrimoine précieux

En tout, près de 200 oeuvres d’art ont été installées dans une quinzaine de stations. Leur entretien est confié à Azienda Napoletana Mobilità (ANM), la société qui gère l’exploitation du réseau. Pour prendre soin de ce précieux patrimoine, l’ANM a noué un partenariat avec l’Académie des beaux-arts de Naples. « Des bourses sont accordées chaque année à des étudiants. Sous la tutelle de leurs professeurs, ils nettoient ou restaurent certaines oeuvres », confie Maria Gilda Donadio, la responsable de presse de l’ANM. Le travail ne manque pas. Dans ce milieu confiné, la poussière s’accumule rapidement. La forte fréquentation accélère également la dégradation de certaines installations. « Les
actes de vandalisme sont par contre très rares », tranche Achille Bonito Oliva. « Ces oeuvres d’art sont devenues une source de fierté pour les Napolitains », poursuit-il. Les nombreux retards accumulés ces dernières années viennent néanmoins tempérer ce succès populaire. Les habitants doivent s’armer de patience, car le réseau n’est pas encore achevé. Le projet de la station Municipio, confié à l’architecte portugais Alvaro Siza, a ainsi été modifié une trentaine de fois en raison des fouilles archéologiques ! Elles ont mis au jour le port antique de Neapolis et des vestiges d’époque médiévale. Ce patrimoine, une fois restauré, sera entièrement intégré au décor. La première partie de la station déjà accessible au public tient ses promesses. La ligne brisée des escaliers, le style dépouillé choisi par Alvaro Siza, l’omniprésence du blanc et du noir mettent parfaitement en valeur l’héritage historique de la cité parthénopéenne.

La plus belle station d’Europe

Le relief vallonné de la ville apporte également son lot de contraintes. Une partie de la station Toledo, située près des quartiers espagnols, se trouve ainsi sous le niveau de la nappe phréatique. Pendant la construction, de l’azote liquide a dû être injecté pour solidifier l’eau et creuser les galeries. Ce défi technologique a inspiré Oscar Tusquets Blanca. L’architecte catalan, concepteur de la station, a choisi de faire évoluer les voyageurs dans un monde aquatique, dominé par la couleur bleue. Mais lorsqu’ils quittent cette partie « submergée », agrémentée notamment par un photomontage d’Oliviero Toscani, les usagers changent radicalement d’environnement. En empruntant les escalators qui mènent à la surface, ils franchissent la ligne qui désigne symboliquement le niveau de l’eau. Un jaune intense, rappelant la couleur de la terre et du tuf, envahit alors l’espace. Le contraste est saisissant. Cette indéniable réussite architecturale remporte d’ailleurs tous les suffrages. Pour CNN ou le Daily Telegraph, Toledo est tout simplement la plus belle station d’Europe1. Difficile d’imaginer meilleure carte de visite pour le métro napolitain ! ■

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Patrimoine Urbanisme