Les technologies au service des villes intelligentes
Rendre les villes intelligentes et durables grâce à la technologie, tel est l’objectif du concept Smart City. En Suisse, divers projets sont en cours. Bien qu’ils promettent un avenir meilleur, ils soulèvent également certaines questions.
Les nouvelles technologies permettent des avancées majeures dans bien des domaines, allant des communications à la science. Désormais, c’est également sur l’environnement et notre qualité de vie qu’elles impactent. Depuis quelques années, le concept Smart City prend une envergure particulière pour transformer nos sociétés en «villes intelligentes».
Au cœur de ce concept se trouve la récolte de données. «Le terme Smart City est un peu «fourre-tout» et très à la mode, explique Matthieu Chenal, chargé de communication pour SuisseEnergie auprès des communes – un programme de l’Office fédéral de l’énergie qui soutient les villes et les communes dans leurs efforts pour promouvoir l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Il touche une quantité de thématiques différentes, que ce soit au niveau de l’énergie, de la mobilité ou encore des infrastructures. De manière globale, le but de ce concept est d’utiliser les outils électroniques afin de mieux gérer les ressources.» Gestion de l’énergie, des déchets ou encore régulation du trafic… les niveaux d’application sont aussi divers que variés. S’inscrivant dans une logique de développement durable, une Smart City utilise les ressources naturelles de manière plus efficace grâce aux techniques de l’information et de la communication (TIC), afin de réduire son empreinte écologique. Le tout dans l’optique d’offrir une meilleure qualité de vie aux citoyens et une consommation minimale des ressources.
La Suisse se lance
Si certaines régions du monde sont plus en avance que d’autres (Barcelone apparaît par exemple comme l’une des villes les plus «intelligentes» de la planète), la Suisse commence à suivre le mouvement. Plusieurs villes développent différents projets s’inscrivant dans la logique des villes intelligentes. Depuis 2016, la Confédération encourage les Smart Cities grâce à un programme de soutien de 20 000 à 60 000 francs par an, par projet et commune. En Suisse romande, les idées émergent progressivement. Genève s’inscrit entre autres dans une démarche de «Smart canton», visant à «développer une gestion du territoire plus intelligente et plus durable».
Des parkings…
Deux projets pilotes ont ainsi été mis en place à Carouge. Le premier, supervisé par la Fondation des Parkings, vise à une gestion optimale du stationnement. Dans l’idée de réduire le temps perdu à trouver une place de parc et ainsi éviter les kilomètres inutiles qui engendrent des émissions polluantes, des données sur la disponibilité des places de stationnement sont récoltées. Des capteurs ont ainsi été installés à même le sol. À terme, les automobilistes pourront localiser les places disponibles, payer et gérer leur temps de stationnement à distance. Pour l’heure, les données récoltées ne sont pas encore mises à la disposition du public, mais permettent toutefois aux ingénieurs de mieux comprendre le stationnement du site et d’en optimiser la gestion. Actuellement en phase pilote, ce projet pourrait par la suite être étendu sur tout le canton.
… au bruit
L’autre expérience mise en place dans la ville du bout du lac propose une analyse 3D du bruit. Grâce à 1 000 capteurs installés à tous les étages des façades des bâtiments, ce projet ambitionne de cartographier le bruit en 3D. «Jusqu’à maintenant, nous établissions un point sonore au milieu de la façade, explique Philippe Royer, directeur du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants du canton. Pourtant, le bruit est décroissant avec la distance, ainsi il n’est pas le même au rez-de-chaussée qu’au premier ou deuxième étage et la morphologie du bâtiment (balcons, corniches…) joue aussi un rôle. Avec cette technologie, un capteur autonome calcule et envoie les informations en continu.» Ainsi, le canton espère mieux connaître le bruit routier en milieu urbain afin d’améliorer sa lutte contre le bruit du trafic, première source de nuisances à Genève.
Le canton de Vaud n’est pas en reste non plus dans le développement de Smart Cities. La Ville de Lausanne a, par exemple, lancé le projet «Replicate» mené conjointement dans différentes villes d’Europe. Celui-ci cherche à créer des services Smart City conjointement avec les citoyens, dans le but de démontrer l’impact de l’emploi de ces technologies positives. A peine plus loin, Pully est devenue la première Smart City de Suisse, grâce à un partenariat avec Swisscom. Afin de créer un observatoire de la mobilité, la commune vaudoise achète les données anonymisées des téléphones portables des clients du géant bleu afin de connaître le nombre de pendulaires qui entrent, sortent, traversent ou circulent à travers cette ville qui se positionne comme un pôle secondaire de l’agglomération Lausanne-Morges.
Nous devons maintenant plancher sur un mode de régulation.
Protection des données
Si toutes ces récoltes de données promettent des avancées énergétiques importantes et contribuent à créer des sociétés plus performantes et durables, elles soulèvent également la question de leur protection. « Ces données affectent tous les paramètres de la vie, relève Matthieu Chenal. Il revient alors à se demander quels sont les risques d’une telle évolution. Nous avons développé une utopie de la ville moderne ultra-connectée, qui se trouve à notre service, directement dans notre poche grâce aux smartphones. Mais il faut également s’interroger sur les dérives que ces techniques peuvent entraîner.» Frileux quant à la question de la protection des données, le public pourrait bien finir par résister à ces procédés.
En France, par exemple, des citoyens s’opposent à EDF suite à l’installation de compteurs d’énergie dits «intelligents» dans les habitations, par crainte, entre autres, que les informations récoltées ne soient utilisées à des fins de surveillance.
Consciente de ces questions et de ces risques, la Confédération, à travers l’Office fédéral de l’énergie, s’est engagée à soutenir ces projets tout en favorisant un échange entre les différents acteurs grâce à la plateforme Smart City Suisse. Mis en réseau, les différents acteurs impliqués dans cette démarche peuvent partager leurs expériences, mais également leurs interrogations ou leurs craintes liées à ces nouvelles techniques. «Le potentiel de ces technologies est gigantesque, conclut Matthieu Chenal. Mais nous devons maintenant plancher sur un mode de régulation et ne pas être béat devant ces évolutions.»