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Le supermarché sans emballages : un concept durable

Au coeur de Kreuzberg, quartier alternatif offrant un terreau idéal pour les expérimentations écologistes, voici une supérette particulière : point de néon au plafond et pas de promotions tonitruantes mais l’ambiance d’une épicerie d’antan. Avec les emballages en moins.

Dans le local de 95 m2, le magasin propose des produits, en grande majorité locaux et/ ou bio, en vrac et en libre-service. Les clients sont priés d’apporter leurs propres récipientset bouteilles, de les peser avant de les remplir de riz, de céréales ou d’huile d’olive. A la seconde pesée en caisse, la tare est soustraite et seul le poids des aliments est comptabilisé et payé. Pour ceux qui auraient oublié leurs Tupperware, des réceptacles recyclables (sacs en papier, bocaux en verre, contenants en plastique réutilisables) sont vendus ou mis à disposition sous consigne. L’idée, qui n’est pas neuve mais habilement emballée sous l’enseigne tendance « Original Unverpackt », est née d’un constat il y a deux ans. « En Allemagne, chacun produit autour de 250 kg de déchets d’emballages par an », explique Sara Wolf, responsable du magasin. « Au final, malgré le tri sélectif, seuls 80 % des détritus sont recyclés. La durée d’utilisation moyenne d’un sac plastique, c’est vingt minutes, mais quand on le jette, il pollue pendant des décennies. »

En Allemagne, chacun produit autour de 250 kg de déchets d’emballages par an.

115 000 euros de crowdfunding

Le pari est réussi. Six mois avant la date prévue par le business plan, le premier supermarché sans emballages d’Allemagne dégage de petits bénéfices. Et cerise sur le gâteau, les deux initiatrices et leurs cinq employés peuvent « enfin se reposer le dimanche » pour jouir de la douceur berlinoise. Si on leur avait prédit un succès aussi rapide de leur entreprise, Sara Wolf et Milena Glimbowski auraient signé tout de suite. Il aura fallu : 1) un an de réflexion pour convertir l’idée écolo en business plan ; 2) le crowdfunding, un appel aux petits épargnants, lancé grâce à une vidéo qui permît de récolter 115 000 euros ; 3) le coup de main des amis pour repeindre la devanture jusqu’à trois
heures du matin la veille de l’inauguration. Et aujourd’hui, leur rêve devenu réalité siège au 16 de la Wiener Strasse, dans une ancienne boucherie rebaptisée « Original Unverpackt ». L’emballage, c’est 20 % du prix d’un produit Chez « OU », comme à la Samaritaine, on trouve de tout. Ou presque. Les étals proposent du dentifrice en pâte à mastiquer, du café torréfié (dans le quartier) en bocal ou de la vodka berlinoise en fût de 10 litres. Mais pas de papier toilette, de fromage ou de viande (par manque de place pour un comptoir réfrigéré), ou encore pas de lait de soja, impossible à trouver sans emballage : un comble pour ce produit de base du consommateur écolo ! Parmi les 450 produits référencés, la marmelade bio de la région se vend à 5 euros le pot de 220 g. Pas donné mais les pâtes s’écoulent à moins de 2 euros le kilo. « Notre objectif est d’être au niveau des prix des supermarchés, poursuit Sara Wolf car le consommateur paie aussi l’emballage, qui représente 20 % du prix du produit. Et chez nous le prix reste le même, que vous choisissiez d’acheter 200 g de lentilles ou 2 kilos. » Face aux gros cargos de la grande distribution, la petite barque sans emballages a trouvé sa vitesse de croisière. Passé l’effet de curiosité, le magasin peut compter sur une centaine de clients par jour, dont 60 % sont des clients fidèles, bobos et écolos convaincus par le concept, qui achètent en moyenne 20 euros de marchandises. Un magasin sans emballages en Suisse Les comptes à l’équilibre permettent à Sara et à Milena de dormir tranquille mais surtout de dégager du temps pour prêcher leur bonne parole. Milena, l’ancienne graphiste devenue la communicante du petit groupe d’amis, passe une bonne partie de son temps de séminaires en conférences. A faire partager leur expérience sur la sélection des produits, le cahier des charges pour satisfaire les autorités sanitaires ou la recherche du bon local. Le bruit médiatique fait autour de l’ouverture du magasin a donné le cran ou l’idée à d’autres de se lancer dans l’aventure. Aux quatre coins du pays, quatre enseignes garanties sans emballages ont vu le jour. Trois autres dans l’espace germanophone : deux en Autriche et le Bächser Mart à Zurich. Comme l’expliquent souvent les deux fondatrices, leur ambition n’est pas de devenir millionnaire mais de faire école : « Notre souhait dans 10 ans ? Qu’il y ait un magasin sans emballages dans chaque quartier, qu’existent un grossiste et un label garantis « sans emballages ». Et pourquoi pas rêver à du lait de soja sans Tetra Pak ?