La Ville de Genève ausculte sa jeune population

A l’occasion du 25e anniversaire de la Convention des Droits de l’enfant (CDE) la Ville de Genève s’est interrogée sur le rôle et la place qu’elle accordait aux enfants dans la Cité. Cet examen devrait déboucher sur la mise en place d’une politique de l’enfant à l’échelle communale.

Durant l’année 2014, la Ville de Genève a lancé le projet « 2014, année de l’enfant ». L’occasion de passer au crible l’ensemble des prestations qu’elle offre aux enfants, avant de les analyser et de les confronter aux exigences des textes législatifs, dont la Convention des Nations unies. Cet exercice a soulevé de nombreuses questions comme le rôle et la place accordés aux enfants dans la vie de la Cité. Les résultats de cette évaluation ont été compilés dans un rapport d’une centaine de pages segmenté en quatre parties : l’accueil, l’intégration, l’information et la participation des enfants. Des pistes ont été ébauchées afin d’élaborer un plan d’action en faveur de l’enfance. Sans grandes surprises, la Ville n’a pas à rougir de la qualité de ces services qui permettent aux petits Genevois de pousser dans de bonnes conditions. Mais les besoins restent nombreux ! Aussi la municipalité devra redoubler d’efforts pour agrandir son offre et maintenir l’éventail de ce qu’elle proposait déjà. La confrontation de ces données aux différents articles de la CDE a également mis en lumière quelques points à améliorer dans les domaines de l’accessibilité des services, de l’information et de l’intégration de tous les enfants. « Nous avons constaté que les prestations pouvaient présenter des disparités d’un lieu à l’autre et méritaient donc d’être harmonisées », reconnaît la conseillère, avant d’insister sur les notions d’égalité des chances et de participation qu’elle veillera plus particulièrement à mettre en oeuvre.

L’enfant, citoyen de demain

Concernant l’accessibilité et l’intégration, la Ville doit veiller à ce que tous les enfants aient accès aux équipements et autres structures d’accueil. Les données recueillies montrent que les enfants porteurs de handicaps et à besoin particulier rencontrent encore trop souvent des difficultés. Un rapport remis en mai dernier par l’Association Autisme Genève auprès du Comité des Droits de l’enfant l’avait d’ailleurs dénoncé : « Certains enfants se retrouvent même exclus d’office du système scolaire ordinaire. » Sur la question de la participation, relative à l’art. 12CDE et autres textes législatifs, la Ville souhaite s’investir davantage. Les plus jeunes ont en effet peu d’occasions de donner leur point de vue et d’influer sur leur environnement proche, que ce soit au niveau de l’école ou de leur quartier. Il y a certes la possibilité pour certains scolaires de choisir le thème de la fête annuelle de l’établissement ou de construire des projets autour du « mieux vivre ensemble », mais ce n’est pas suffisant. « Nous envisageons de développer des Parlements d’enfants pour leur permettre de débattre et d’exprimer leurs idées précises, car ils ne sont pas suffisamment formés à la participation citoyenne », explique l’élue verte. Des sessions d’enfants et des débats verront donc bientôt le jour afin que tous approfondissent la connaissance de leurs droits. Ils pourraient aussi s’initier à la rédaction de pétitions et prendre part aux contrats de quartier afin de faire part de leurs envies. Mais écouter les enfants ne signifie pas pour autant leur laisser tout décider, mais simplement les impliquer dans les décisions qui revêtent une importance pour leur avenir. « Le renforcement de la participation des enfants à la vie publique ne va pas de soi, explique Esther Alder. Il nécessite une éducation à la citoyenneté qui donne à chacun la possibilité de devenir acteur de la société et aux habitants de réaliser des projets concrets avec l’aide de la Ville. »

Le renforcement de la participation des enfants à la vie publique ne va pas de soi.

Connaître l’avis des plus jeunes

Dans un second temps, la Ville a souhaité entendre les enfants. Elle a demandé à l’Institut universitaire Kurt Bösch et l’Institut international des droits de l’enfant de réaliser une enquête auprès d’enfants âgés de 10 à 12 ans. Près de 1 000 filles et garçons ont donc été écoutés sur la perception qu’ils ont de leurs droits et de leurs obligations, de leur bien être dans leur école ou leur quartier, la qualité de vie et l’intégration, l’accès aux loisirs, ou encore l’accès à l’information et la participation. Les jeunes habitants du quartier des Pâquis, âgés entre 4 et 9 ans, ont pu exprimer leur ressenti sur la vie dans leur quartier à travers une expression picturale. Une cinquantaine de dessins ont été rassemblés dans un ouvrage titré Ma vie dans le quartier, édité grâce au don d’une Fondation. Après cette prise de conscience communale, c’est à la Confédération, dès janvier 2015, de rendre son rapport sur la situation des enfants en Suisse auprès du Comité des droits de l’enfant de l’ONU. L’occasion de vérifier si les inégalités de traitement constatées dans l’application des droits de l’enfant d’un canton à l’autre seront moins marquées que lors du dernier examen en 2012.

Petit retour historique

C’est à Genève qu’en 1924 la Société des Nations (SDN) a conçu et rédigé la toute première Déclaration des droits de l’enfant, « Children’s Charter ». Ce document a servi de base à l’élaboration le 20 novembre 1959 de la Déclaration des droits de l’enfant (CDE) par l’Organisation des Nations unies. Cette déclaration non contraignante en dix points marque le début d’une réelle reconnaissance des droits de l’enfant.
• En 1954, l’Assemblée générale de l’ONU choisit le 20 novembre, date de l’adoption de la Déclaration des droits de l’enfant de 1959, pour institutionnaliser une Journée mondiale de l’enfance.
• L’année 1979 est déclarée par l’ONU « Année de l’enfant » et voit la mise en place un groupe de préparation de la CDE.
• En 1989, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant est adoptée le 20 novembre par l’Assemblée générale des Nations unies. Elle entrera en vigueur dès le 2 septembre 1990.
• En 2012, la convention a été complétée par trois protocoles facultatifs concernant la vente et la prostitution des enfants, mais aussi la pornographie mettant en scène des enfants.
• 2014 : Tous les pays ont ratifié la CDE sauf les Etats-Unis (ont ratifié deux protocoles des annexes à la convention, mais pas encore le texte principal) et la Somalie qui n’a pas encore les moyens politiques de le faire.
Et en Suisse ?
La Suisse a ratifié la convention relative aux Droits de l’enfant le 24 février 1997 avec trois réserves. La CDE est entrée en vigueur le 26 mars 1997. Le premier protocole facultatif a été ratifié en 2000 et le second en 2006.

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