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Laver sans polluer

Sensible à l’environnement, une Genevoise mise sur l’économie circulaire pour lancer La Corde à Linge, une lessive locale et biodégradable.

Anne-Julie n’en pouvait plus de faire des compromis : laver son linge, c’était forcément ajouter quelques polluants supplémentaires dans les cours d’eau et rivières, qui impacteront la faune et la flore avant de terminer dans les nappes souterraines*.

Impliquée dans le monde associatif avec Action durable, la jeune femme compte bien réduire son empreinte. Ses jeunes années, passées auprès de Dora, sa grand-mère, lui reviennent en mémoire. C’était l’époque de la lessive sans chimie, et même si cela ne lavait pas plus blanc que blanc grâce aux azurants, cela n’empêchait pas le linge d’être propre et de sentir le propre, ni plus ni moins. Les conseils de son aïeule la conduisent à rechercher une recette de lessive sans micropolluants, juste pour ses besoins personnels.

Pendant près de trois ans, Anne-Julie teste, avec un certain succès, sa lessive « home made », à base de bicarbonate et de savon de Marseille. Sa famille et son cercle d’amis expérimentent à leur tour cette potion sans polluant et… en redemandent ! L’éducatrice sociale ne renouvelle pas son contrat à l’État de Genève pour se lancer dans l’aventure de la start-up. En 2018, elle pose les statuts d’Éco-libre Sàrl avec pour mission « d’être engagé-e-s dans la préservation d’un des besoins fonda-mentaux des êtres vivants et de la planète : l’eau ; de produire et commercialiser une lessive écologique dans une dynamique circulaire et sociale et… d’offrir la possibilité aux citoyen-ne-s de devenir des consom’acteurs-rices en participant à la protection de l’eau et de leur santé ».

Face à la demande, stimulée par le bouche-à-oreille, elle se tourne vers la Haute école de chimie de Fribourg pour peaufiner sa recette. Petit souci, avec le temps, la lessive a tendance à déphaser et, comme une lasagne, à se superposer en différentes couches. Pour éviter ce problème, elle fait appel à Ideal Chimic, à Genève, et lui donne pour impératif de concevoir un liant exempt d’huile de palme ou de dérivés de pétrole.

Une contrainte de taille qui nécessitera près de huit mois de recherche avant de trouver la formule magique. « C’était laborieux, se souvient-elle, mais c’était la condition sinequa non pour limiter l’impact des emballages en proposant des jerricans de 20 litres aux clients, l’équivalent d’une année de lessives, soit 400 machines ! Sans le liant…cela aurait été impossible. » Bien sûr, ces recherches ont un coût.

Près de 8’000 francs sont investis en fonds propres. Heureusement, sa pugnacité va payer. La Corde à Linge reçoit le premier prix IDDEA, qui encourage la concrétisation de projets d’entreprise, avec à la clé un chèque de 20’000 francs, soutien de la Ville de Genève, et six mois de conseils et de formation auprès de Genilem.

Une étiquette transparente

« La lessive La Corde à Linge, c’est du savon de Genève élaboré avec de l’huile de tournesol bio de Genève, du savon de Marseille, des minéraux (carbonate et bicarbonate), de l’huile essentielle de lavande Bio et un liant naturel, c’est tout. Plus de 90% des ingrédients proviennent de Genève et tous nos bidons sont cautionnés et réutilisés », renchérit-elle. Et puis, il y a le volet social. La fabrication est réalisée dans les ateliers protégés de Pro entreprise sociale privée à Lancy et la livraison est assurée par des personnes en fin de droits au chômage.

Aujourd’hui, ce sont plus de 1’000 litres par mois qui sortent de l’atelier de fabrication.

« Parmi nos clients, nous comptons des particuliers, mais aussi des professionnels comme des laveries ou encore les Bains des Pâquis. Et nous espérons bien en séduire d’autres ! » Il faut dire que la jeune femme a un argument de poids : « Notre lessive est une des moins chères du marché, en se basant sur le prix par machine. En effet, comme elle est très concentrée, un demi-bouchon suffit ! », s’enthousiasme Anne-Julie.

Chacun peut se fournir sur le site en ligne – www.lacordealinge.ch –, dans des points de vente choisis ou sur quelques marchés. « La formation en économie circulaire locale, en partenariat avec Impact Hub, a été essentielle pour affiner le projet », reconnaît-elle. La Corde à Linge continue de tisser son cercle vertueux. Grâce à SIG Impact, un crowdfunding a même permis de lever les fonds suffisants pour l’achat d’un triporteur et sillonner ainsi les routes du canton.

Enfin, pour la fin d’année 2019, deux nouvelles formules ont vu le jour : pour le blanc et pour le linge délicat. Anne-Julie a de quoi se faire mousser !