Langue française : pourquoi faire simple…
«Le français sera la première langue de l’Afrique et peut-être du monde si nous savons faire dans les prochaines décennies », a dit le président Emmanuel Macron lors d’un discours à Ouagadougou. Si ses pas l’avaient porté du côté d’une école primaire de village, il aurait constaté qu’au Burkina Faso, les cours de français se fondent sur des méthodes très traditionnelles, inculquant un langage plutôt littéraire à des élèves qui, à terme, auront sans doute moins de peine à lire Hugo ou Stendhal que leurs petits camarades élevés en France, au fil des réformes de l’enseignement, des « phonèmes » et des «groupes verbaux» et autres méthodes «globales».
Bien sûr, la langue évolue, s’adapte, s’enrichit. Des mots comme «terrible» ou «mortel» sont devenus positifs, un mot comme «végétatif» signifie de nos jours le très exact contraire de son sens original. Bien des étrangetés orthographiques ou grammaticales font la joie de certains érudits et le désespoir de malheureux collégiens. Dès lors, l’idée d’accompagner, d’accélérer l’évolution, de simplifier la langue, de la rendre plus cool s’est peu à peu infiltrée dans beaucoup de milieux. Oubliant l’avertissement d’Orwell dans 1984, avec la novlangue permettant de brider la pensée, ou le souriant et génocidaire président Mao éradiquant moult idéogrammes millénaires dans le même but, on s’est dit que le passé simple, l’accord du participe, la dictée, le circonflexe et quelques autres fadaises n’avaient plus de raison d’être.
L’un des principaux chantiers ouverts par les rénovateurs autoproclamés de la langue française porte sur sa féminisation. L’on veut ici réparer l’injustice faite aux femmes au travers du langage, pour rééquilibrer une société jugée incorrigiblement machiste. Les noms de fonction uniquement masculins ont été gratifiés d’un pendant féminin, sans que l’étymologie soit prise en considération. Ainsi le mot «doctoresse», qui existait déjà, a-t-il été jugé ridicule. On lui a préféré «docteure». Nous connaissons maintenant des auteures et des autrices, et une foison de parenthèses, puis de tirets et enfin de points sont venus compliquer pour certains, ennoblir pour d’autres la rédaction des textes officiels. La langue favorise-t-elle les préjugés, incite-t-elle au sexisme ? Nos aïeux ont-ils eu tort de croire que l’usage commandait la langue et non l’inverse ?
Immorama donne ici la parole aux partisans comme aux adversaires de ces initiatives, dont on trouve d’ailleurs l’équivalent dans le monde germanophone ou hispanophone, sans parler de ces pasionarias anglo-saxonnes convaincues que le monde ne changera pas tant qu’on nommera une ville «Man»chester.
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