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La psy qui fait aimer le travail

Spécialiste de la santé au travail et du burn-out, la Lausannoise Nadia Droz tente de réconcilier en douceur salarié et monde de l’emploi.

Quand on lui demande comment elle va, elle qui travaille au quotidien avec des gens qui vont mal, Nadia Droz répond avec enthousiasme : « Super bien ! » Et rien que d’entendre cela vous met déjà en joie. Installée à Lausanne, cette psychologue née en 1979 irradie. « J’adore travailler, j’adore faire mon métier ! » lance-t-elle. Installée désormais seulement à son compte, Nadia Droz a exercé pendant près de dix ans en parallèle au sein du CHUV à Lausanne, où elle n’intervient plus, aujourd’hui, que pour des cours sur le burn-out. Il faut dire que la praticienne est devenue une référence en la matière. En 2018, elle a publié, en collaboration avec Anny Wahlen un livre passionnant, Burn out, la maladie du XIXe siècle ? (Éd. Favre). Un ouvrage qui se penche sur ce mal moderne qu’elle nous définit ainsi : « Le burn-out c’est une combinaison de facteurs de stress chroniques, présents dans les dispositions individuelles, le contexte professionnel, personnel et social, qui va conduire à un processus progressif, lent qui va finalement faire basculer la personne dans un état d’épuisement massif. »

Je travaille avec des gens pour les aider à fleurir, à s’épanouir dans leur milieu professionnel. Et rendre à leurs yeux le travail salutogène et non pathogène. 

Nadia Droz, psychologue

Son père est professeur de psychologie et sa mère, après avoir étudié les Lettres, tient le foyer. Nadia Droz grandit sur les rives du Léman, entre Lausanne et Genève. « Au départ, je ne voulais pas faire d’études. J’ai essayé d’avancer ainsi dans la vie, mais au bout d’un certain temps, j’ai compris que ce n’était pas forcément possible », sourit-elle. Elle aime ce que son père raconte sur la psychologie. Elle y voit « tout plein d’opportunités professionnelles qui n’allaient pas m’enfermer dans un cadre. Et puis les relations entre les gens m’intriguaient.» Parlant couramment le français et le suisse-allemand, elle suit un cursus de psychologie et de sociologie à Lausanne et Fribourg. Son aisance dans les deux langues lui permettra aussi d’écrire des livres pour enfants bilingues.

Jeune maman d’un garçon âgé aujourd’hui de 18 ans (elle a aussi une petite fille), Nadia Droz a l’obligation de très vite se confronter au monde du travail, y compris durant ses études. Au terme de celles-ci, quand la plupart de ses condisciples enchaînent les stages, elle bascule dans la vie professionnelle d’abord comme assistante sociale dans un centre régional où l’on distribue les revenus d’insertion puis dans un centre de soins pour personnes dépendantes à l’alcool. Peu à peu, la thématique de la santé au travail (elle préfère cette formulation à celle de « souffrance au travail » souvent utilisée dans les médias) devient sa spécialité. « Je la découvre en 2006. À travers cette problématique, je m’intéresse de plus en plus à la relation de l’individu à son métier, comment se constitue notre identité avec lui et je trouve tout ceci fascinant. »

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Nadia Droz, psychologue et spécialiste de la santé au travail.
Nadia Droz, psychologue et spécialiste de la santé au travail. (DR)

Elle ne devient ni psychothérapeute ni psychiatre, mais psychologue. L’aspect médical de la psychologie ne l’intéresse guère. Ce que d’aucuns appellent la « folie » n’est pas de son ressort. Ce qui la passionne, c’est de travailler avec des gens « auprès de qui je peux jouer un rôle d’accompagnante, de coach, pour les aider à fleurir, à s’épanouir dans leur milieu professionnel. Rendre à leurs yeux le travail comme salutogène et non pathogène. »

Une tâche ardue depuis toujours face à la pression exercée sur les salariés, au découragement, aux cadences infernales. Parfois aux situations de harcèlement moral et/ou sexuel, mais aussi à l’autoritarisme de certains chefs. Sans compter sur la pandémie et ses effets que l’on commence à mesurer au fil du temps : des heures de trajet que l’on ne supporte plus de faire quotidiennement quand le télétravail n’est plus possible ; à l’inverse, le télétravail qui exacerbe le sentiment de solitude et de perte de sens sans compter l’allongement des journées de boulot puisqu’il n’y a plus vraiment d’horaires.

Ajoutez à cela les contraintes familiales liées au fait de devoir tout gérer en même temps à la maison. « Je rencontre aussi beaucoup de gens qui ont débuté un nouvel emploi au premier trimestre 2020 et qui n’ont pas pu être intégrés dans une équipe ni dans leur travail. Qui se sont longtemps demandé : je fais quoi, je dois faire quoi ? Et qui ont perdu l’estime de soi, ressentent un fort sentiment de découragement. » Voire de culpabilité alors que les conditions d’entrée dans ce nouveau job étaient simplement impossibles.

Quand j’interviens dans une entreprise pour réduire les facteurs de stress, j’ai une pelote de laine tout emmêlée. Pour la démêler, il va juste falloir savoir sur quel fil tirer

Nadia Droz, psychologue

Depuis dix ans, Nadia Droz voit aussi émerger deux phénomènes majeurs : une déshumanisation toujours plus grande de certaines entreprises ; mais aussi, chez d’autres, à l’inverse, une prise en compte de ces considérations et la mise en œuvre de mesures pour que les salariés se sentent vraiment mieux. « Quand j’interviens dans une entreprise pour réduire les facteurs de stress, c’est comme quand je suis face à un ou une patiente. J’ai une pelote de laine tout emmêlée qu’il va falloir démêler. Il va juste falloir savoir sur quel fil tirer. » In fine, celle qui se dit « passionnée par les gens » trouve ses plus grandes satisfactions personnelles quand d’anciens patients la rappellent pour lui dire qu’ils vont mieux. Juste quelques mots en apparence banals mais réjouissant de la part de celles et ceux que le travail a pu tant faire souffrir.