Itinéraires d’une ville gâtée
Sorti aux Éditions Noir sur Blanc en 2017, l’ouvrage « Lausanne, Promenades littéraires » plonge le lecteur dans l’histoire et la métamorphose de la cité à travers des extraits de textes écrits en ses lieux ou inspirés par elle. De lieux privés à lieux publics, il n’y a parfois qu’un pas comme en atteste le projet en attente de réalisation d’un espace muséal dédié à l’écrivain C. F. Ramuz dans sa villa de Pully où il vécut jusqu’à sa disparition.
Il se compulse dans l’ordre, ou pas. Les vingt itinéraires proposés, et finement figurés par l’illustratrice Fanny Vaucher, se picorent au gré de ses envies de balades ; conviant tantôt à partir sur les scènes de crime de Georges Simenon, à s’asseoir au café Grütli et à se replonger dans un livre d’Anne Cuneo ou encore à découvrir « pour de vrai » les décors des bandes dessinées signées Cosey ou Bruno Marchand. Il faudra marcher, prendre le bus et le métro, lever la tête, ouvrir les yeux et se laisser transporter. Initié par Isabelle Falconnier, déléguée à la politique du livre de la Ville de Lausanne, cet ouvrage a été mis en oeuvre par une équipe de chercheurs rattachés à l’Unil : « Pour nous qui travaillons sur la littérature de Suisse romande, c’est un projet très intéressant qui permettait d’associer autour d’une ville des écrivains célèbres comme Victor Hugo ou Dumas à des auteurs comme Cingria moins connus du grand public mais qui ont un lien fort avec Lausanne », explique Stéphane Pétermann, co-auteur, affecté à la coordination du livre avec Daniel Maggetti, tous deux professeurs à l’Université de Lausanne.
Entre textes célébrissimes et pépites, les auteurs des promenades ont été surpris par la quantité des témoignages récoltés et des textes existants. Le lecteur le sera tout autant. On observe encore aujourd’hui en Suisse romande une grande éclosion de petites maisons d’édition, notamment à Lausanne. Une vitalité encouragée à la fois par le marché du livre qui fonctionne bien, malgré les rumeurs d’un segment déclinant, et par un fonctionnement institutionnel qui encourage énormément l’éclosion de jeunes auteurs à travers l’Institut littéraire Suisse, les prix littéraires, etc.
Il faudra marcher, prendre le bus et le métro, lever la tête, ouvrir les yeux et se laisser transporter.
Lausanne, capitale du livre en Suisse romande
« Au royaume de l’encre et du papier », titre l’introduction. Tout est dit ; la petite ville à l’échelle de la Suisse romande s’est muée au fil des siècles en véritable capitale du livre. Le chef-lieu vaudois, gratifié d’une situation géographique stratégique et d’un paysage unique, donne des ailes aux créations littéraires en tout genre, journaux, essais, romans, polars, poèmes, et voit fleurir les maisons d’édition et les imprimeries. Placée à un carrefour ouvert vers l’Italie, la ville au Moyen Âge est une étape pour les pèlerins qui se rendent à Rome ; ses beautés multiples sont prisées par les touristes, notamment anglais, qui s’arrêtent volontiers dans la cité protestante. « Certains se sont arrêtés à Lausanne plus ou moins longtemps ou ne sont jamais repartis tel l’écrivain britannique Edward Gibbon », commente Stéphane Pétermann. « Dans son sillage, beaucoup d’écrivains anglais ont voulu visiter la maison où il a habité ; un phénomène que l’on retrouve avec les écrivains romantiques fascinés par l’œuvre de Rousseau et qui ont voulu découvrir le lieu où l’auteur a écrit le roman épistolaire Julie ou La Nouvelle Héloïse. »
L’espace muséal C. F. Ramuz, une histoire qui s’écrit patiemment…
Partir sur les traces des hommes et des femmes de lettres, c’est aussi découvrir avec exaltation les lieux où ils ont vécu, écrit et parfois péri. En juin 2017, les quotidiens locaux annoncent la décision du Conseil municipal de Pully de financer un espace muséal consacré à l’un des plus célèbres écrivains vaudois, Charles Ferdinand Ramuz. Prévu au rez-de-chaussée de la maison « La Muette » située au 4, chemin Davel où l’auteur a vécu de 1930 à sa mort en 1947, l’espace se prolongera dans son bureau, un lieu de mémoire resté plus ou moins intact et où sont encore présents des manuscrits, livres, objets et habits ayant appartenu à l’écrivain.
Contesté par le Comité de sauvegarde de la maison, le démarrage des travaux reste suspendu à une levée des recours. L’ouverture n’est donc pas attendue avant 2020, dixit le Musée de Pully. En 2017, l’œuvre de C. F. Ramuz est tombée dans le domaine public ; Stéphane Pétermann et Daniel Maggetti, sous la supervision du Centre de recherche sur les lettres romandes, préparent la sortie d’une série en livres de poche de ses titres phares aux Éditions Zoé. Aline et Construction de la maison ouvriront le bal.
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