Interview du Docteur Philippe Schaller
– Lutter contre la déperdition d’énergie passe, entre autres, par la conformité à des labels. Ceux-ci peuvent-ils avoir des effets indésirés (par exemple étanchéité trop forte, sentiment d’aquarium, etc.) ?
Sans être un spécialiste des questions de label énergétique, je me suis intéressé, ces dernières années, à leur impact, notamment sur la mise en oeuvre des standards Minergie. J’ai pu constater que beaucoup d’informations diffusées dans les médias étaient partielles, et parfois erronées. Il existe une profonde méconnaissance du public, voire des professionnels, concernant les effets sur la santé. La mise en place des systèmes de ventilation, la mesure du taux d’humidité ou l’efficacité de la protection contre le bruit restent encore des sujets à controverse, alors que les études démontrent leur validité. Il est nécessaire d’intégrer tous les paramètres, les facteurs écologiques et l’efficience énergétique pour en débattre. L’ensemble de ces éléments permet de juger de l’impact global sur la santé des habitants. De fait, ces nouvelles constructions assurent, entre autres, une température agréable et constante, une absence d’humidité, ainsi qu’une protection contre le bruit extérieur, facteur important dans nos villes devenues si bruyantes.
– Comment concilier recherche d’économie d’énergie et recherche du beau ? Et comment arbitrer (patrimoine classé, panneaux solaires…) ?
Un récent voyage dans plusieurs villes du nord de l’Europe, notamment Berlin, Copenhague ou encore Oslo, m’a convaincu qu’il était possible de concilier efficacité énergétique, conservation du patrimoine et expression architecturale audacieuse et moderne. Même sous nos latitudes, j’ai pu voir de magnifiques fermes dans le Haut-Jura dont la façade sud, en tavaillon, avait des panneaux solaires intégrés sans dénaturer sa beauté d’origine. Il est nécessaire de réunir trois conditions : avoir des architectes et des professionnels qui adhèrent à ces nouveaux concepts et qui bénéficient des connaissances dans ces nouvelles technologies, des législateurs aptes à modifier les règlements, ainsi que des investisseurs prêts à en faire le pari.
– La volonté de s’inscrire dans le développement durable vise-t-elle avant tout un objectif politique et économique, ou pense-t-on vraiment au bien-être des habitants ?
Il y a dans le concept Minergie un double objectif, politique et économique : d’une part, développer un habitat écologique et durable, et, d’autre part, élaborer un concept d’efficience énergétique. Ces deux éléments conjugués favorisent indéniablement un habitat adapté à la qualité de la santé pour l’ensemble de la population !
– La ville écologique de demain est-elle une utopie ?
La ville écologique n’est pas une utopie, elle est en devenir. De nombreux exemples montrent qu’il est possible de construire des bâtiments totalement autonomes, d’utiliser des matériaux avec des impacts écologiques minimes. Les labels Minergie permettent une utilisation moindre de carburants fossiles et une réduction de la charge environnementale.
Bien entendu, le fonctionnement de cette ville écologique dépendra aussidu comportement des citoyens dans leurs actions au quotidien. Les villes doivent devenir des lieux, non seulement de travail, mais aussi de loisirs et d’épanouissement individuel. Un grand nombre de villes ont déjà mis en oeuvre une politique visant cet objectif.
–Les mentalités en Suisse vous semblent-elles mûres pour adopter des règles de construction et un mode de vie compatibles avec le développement durable ? Jusqu’à quel point les gens feront-ils des efforts (surcoût, discipline d’usage, etc.) ?
Les citoyens suisses montrent une sensibilité aux problèmes de l’écologie et au sens du mot « durable ». Ils ont envie de vivre en bonne santé, dans un environnement équilibré entre confort et modernité. Ces éléments réunis permettent de transformer nos villes et notre habitat à dimension humaine et adaptée. Dans quelques années, les valeurs des standards Minergie sembleront non seulement être une évidence, mais aussi une exigence ! Dans le même objectif, notre système de santé vise l’efficacité en soutenant l’amélioration de la qualité des soins par la diminution des hospitalisations inappropriées, la maîtrise des effets indésirables des médicaments, la réduction des prescriptions d’examens, et surtout la promotion de la santé et la prévention. L’enjeu n’est ni technologique ni économique, il est dans le goût de l’avenir, dans la créativité et l’innovation en matière d’habitat et d’écologie au sens large !