Interview d’Olivier Epelly

Rénover, c’est un raisonnement économique qui a du sens.

Olivier Epelly, Directeur général de l’Office de l’énergie, OCEN (GE)

− Le secteur du bâtiment est un grand consommateur d’énergie. Il représente près de la moitié de la facture énergétique du pays. Comment faire pour réduire sa consommation ?

− La performance énergétique du parc bâti est en effet un enjeu de première importance. A défaut de démolir pour reconstruire (ce qui peut être une solution plus économique dans certains cas), il faut agir sur tous les leviers de la consommation : le bâti, la technique, l’optimisation de l’exploitation et les comportements. Techniquement, on peut réduire la consommation des immeubles bâtis d’au moins 30 % par des mesures assez simples à mettre en œuvre telles que le remplacement des fenêtres, l’isolation de la toiture, le remplacement des installations de chauffage par des installations plus performantes, ou encore l’installation de vannes thermostatiques pour régler la température de chaque pièce et mieux exploiter les gains solaires passifs. L’économie est plus importante encore avec des rénovations lourdes incluant l’isolation des façades, l’installation de dispositifs de récupération de chaleur contenue dans l’air extrait ou les eaux usées. On peut aussi réduire la facture énergétique presque sans investissement en exerçant un réglage plus pointu des installations de chauffage et ventilation pour assurer le confort sans surchauffer ni surventiler, et en réduisant les températures la nuit.

− Pouvez-vous nous donner un exemple de mesure concrète prise par l’Office ?

− Dans cette optique, l’Office de l’énergie a pris l’initiative de subventionner des contrats à la performance, en partenariat avec l’Union suisse des professionnels de l’immobilier à Genève (USPI Genève) et l’Association des entreprises genevoises de chauffage et de ventilation (AGCV suissetec). Ce type de contrats complète le contrat traditionnel de surveillance, d’entretien et de maintenance confié à un chauffagiste. Concrètement, le chauffagiste qui augmente la performance de son installation, et de ce fait réduit la consommation par rapport à une consommation de référence, reçoit une prime calculée en fonction du pourcentage de gain atteint. Ce système a été mis en place progressivement depuis quatre ans, et près de 500 contrats ont été passés à Genève à ce jour, ce qui concerne environ 40 000 habitants. Les 250 premiers contrats ont permis de réduire la consommation moyenne d’énergie de 9 % au bout de 2 ans. On s’attend à des résultats similaires pour les 250 autres contrats signés par la suite. L’objectif du contrat est de réduire la consommation, mais sans préjudice pour le confort. Si un habitant se plaint d’avoir trop froid, le contrat prévoit que le chauffagiste enregistre la température pour objectiver la situation d’inconfort ressentie et évalue si des mesures peuvent être prises au niveau du logement concerné. Plutôt que d’augmenter la courbe de chauffe au niveau de la chaufferie et de surchauffer ainsi tout un immeuble, il est plus rationnel d’équiper un logement exposé à la bise et mal orienté avec un radiateur supplémentaire ! Enfin, nous pouvons tous améliorer nos comportements : ne pas laisser les fenêtres ouvertes toute la nuit par temps froid, chauffer à 20° C et pas à 25° C, etc. C’est vrai qu’on a vécu long-temps dans l’idée d’une ressource énergétique illimitée, bon marché et sans impact sur l’environnement. Ce temps est révolu, et il faut non seulement gérer le confort, mais aussi gérer l’énergie. Les campagnes d’information grand public que l’OCEN finance, à l’école primaire notamment, sont essentielles pour progressivement changer nos habitudes.

− Qu’est-ce que la nouvelle Loi sur l’énergie a changé pour l’Office de l’énergie ?

− La Loi sur l’énergie nous donnait des compétences essentiellement sur les projets de construction et rénovation. Dorénavant, la Loi sur l’énergie concerne tous les acteurs de la société. D’une part, tous les propriétaires immobiliers sont appelés à suivre la consommation énergétique de leurs bâtiments, même s’ils ne projettent pas de rénover dans l’immédiat ; et certains d’entre eux, ceux qui possèdent des passoires énergétiques, devront entreprendre des mesures d’amélioration énergétique. D’autre part, les milieux économiques, qui exploitent des sites qui sont des « grands consommateurs » d’énergie, selon l’expression consacrée par la loi, doivent s’engager dans des programmes d’efficacité énergétique. Enfin, l’énergie commence à prendre la place qu’elle doit prendre dans notre territoire, si on veut relever le défi de la société à 2 000 W sans nucléaire, sous forme de réseaux thermiques et de centrales énergétiques efficaces alimentées en énergies locales, grâce à la coordination renforcée de la politique énergétique avec l’aménagement du territoire. Alors oui, la nouvelle Loi sur l’énergie a changé bien des choses !