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Interview d’Olivier Delacrétaz

L’indépendant apparaît aujourd’hui comme un alien.

Olivier Delacrétaz, Président de la Ligue vaudoise

Avez-vous le sentiment que l’exercice des libertés individuelles devenu plus restreint ces dernières années, notamment en Suisse ?

En matière de liberté d’expression, les journaux des années 1950 étaient plus virulents et libres qu’aujourd’hui. L’article 261bis (loi antiraciste) a conduit beaucoup de journalistes non conformes à s’autocensurer. D’une manière générale, l’augmentation des interdictions, des obligations et des contrôles restreint nos libertés individuelles. Mais je ne sais pas si les gens en souffrent tant que ça. En général, la liberté les intéresse beaucoup moins que la prospérité et la sécurité. L’indépendant apparaît aujourd’hui comme un alien.

Assiste-t-on selon vous à une mondialisation ou à une américanisation, y compris sur le plan du contrôle « en amont » des activités financières, des déplacements, etc. Le cas de Fatca, accord fiscal accepté avec un certain empressement par nos édiles et nos banquiers, en préfigure-t-il d’autres ?

La mondialisation est en germe dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’idéologie de ce texte crée en nous le sentiment que les différences entre les humains sont superficielles et que les supprimer est une bonne chose pour la paix entre les peuples. On pense presque automatiquement que les choses se perfectionnent au fur et à mesure qu’elles s’unifient. C’est une idée imbécile, mais elle est profondément ancrée dans les esprits. La plupart des centralisations fédérales relèvent, indépendamment des arguments de circonstances, de cet esprit d’unification. Nous nous américanisons parce que les Etats-Unis sont les plus forts et ne rechignent pas à user de leur force. Il est vrai aussi que le Conseil fédéral a été particulièrement lamentable dans les cas de la Lex americana et de Fatca. En d’autres termes, nous ne serions pas contraints de nous américaniser autant que nous le faisons. C’est une question de courage politique. On verra… Enfin, nous nous américanisons parce que presque toute la technique vient de chez eux. Je pense que l’enseignement de l’histoire et de la culture du canton où l’on vit, ainsi que de l’histoire de la formation de la Confédération, serait de nature à créer des contrepoisons efficaces à l’américanisation.

La réalité sinistre du terrorisme justifie-t-elle des mesures de sécurité plus drastiques et plus invasives de la vie privée ?

Il y a bien des années, le peuple suisse devait se prononcer sur la création d’une police fédérale. On nous annonçait à l’époque un déferlement de terroristes sur la Suisse. Notre position était, d’une part, que les choses ne vont jamais « de plus en plus » et, d’autre part, que la densité du tissu social rendait peu crédibles les prophéties catastrophistesdu Conseil fédéral. La suite a montré que nous avions raison. Le tissu social est plus mité aujourd’hui que par le passé. Dès lors, l’argument qui valait en 1978 vaut-il encore maintenant ? Je dirais plutôt « oui ». Nous n’avons pas ces immenses quartiers de banlieue qui fournissent un milieu particulièrement favorable à l’apparition du terrorisme. Nos voisins moins bien lotis font des expériences que nous devons suivre de près pour en jauger l’efficacité… pour le cas où les choses viendraient à se gâter.

La Suisse souffre-t-elle d’un excès de bureaucratie ?

L’accroissement démographique, les progrès techniques, les assurances sociales engendrent forcément plus d’administration. C’est embêtant, ça nous fait perdre du temps et c’est coûteux. Mais ça devient vraiment grave à partir du moment où l’administration prend le pouvoir, les politiciens élus ne faisant que donner une figure plus ou moins humaine à ses décisions. C’est à ce moment qu’on passe de l’administration à la bureaucratie proprement dite : le gouvernement des bureaux. Chaque bureaucrate est de trop. Toute bureaucratie est donc excessive. Il y a deux ou trois services dans l’Etat de Vaud qui incarnent cette dégénérescence de l’administration.

Les partis politiques sont-ils conscients de ces enjeux ?

Le seul enjeu des partis politiques est la réélection de leurs membres. Si ça peut leur servir, ils seront conscients de tout ce que vous voudrez.

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Société