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Interview de Thibault Schneeberger

Eviter au maximum à chacun l’usage d’un véhicule motorisé.

Thibault Schneeberger, Cosecrétaire d’Actif-Trafic, Genève

1. Le problème du stationnement des véhicules et celui de leur circulation, en ville, prennent des proportions de plus en plus incontrôlables. Le nombre de « pendulaires » ne cesse de croître. Le recours accru aux deux-roues entraîne la question de leur stationnement. Doit-on le rendre payant ? Et surtout, où l’installer, en surface ou en sous-sol ?

Globalement, l’augmentation incontrôlée du trafic motorisé n’est pas forcément inéluctable. Avec une volonté politique et un ensemble de mesures cohérentes, on pourrait transférer une bonne partie des flux pendulaires vers les transports publics et, à long terme, tendre vers une diminution des distances parcourues, notamment par une meilleure mixité dans l’aménagement du territoire (rapprocher les logements des lieux de travail, de loisirs, de commerce, etc.). Quant aux deux-roues, s’ils sont moins encombrants que les voitures, ils prennent quand même une place importante. Cela dit, il faut distinguer d’un côté, les vélos, qui doivent être encouragés et donc bénéficier de parkings gratuits et en surface (sauf vélostations près des gares). De l’autre côté, les scooters et motos, plus encombrants, plus bruyants et plus polluants, doivent être maîtrisés. Si l’on doit conserver pour ces derniers un certain nombre de places en surface (et pourquoi pas convertir quelques places voiture en places deux-roues), leur nombre doit être limité, leur stationnement payant et leurs utilisateurs incités à se parquer en souterrain, surtout pour le stationnement de longue durée.

2. Pensez-vous qu’il existe à ce jour, dans nos villes et villages, suffisamment de places de stationnement, publiques ou privées, pour les voitures, les scooters ou motos, et les vélos ?

Le stationnement est la clef de voûte d’une politique de mobilité. Un automobiliste qui sait qu’il a une place de parking garantie à destination ne changera pas volontiers de mode de transport. Si l’on veut changer les habitudes, le stationnement est un levier crucial. Pour le stationnement automobile, il faut absolument distinguer les usages : les pendulaires doivent être encouragés à prendre au maximum les transports publics (TP). Leur stationnement éventuel doit être dans des P+R, bien desservis en TP, mais le plus loin possible du centre-ville. Si l’on appliquait déjà cette politique correctement à Genève par exemple, cela libérerait des milliers de places souterraines et en surface pour les autres usagers qui en manquent (vélos, véhicules utilitaires, etc.). Sauf exception, il y a donc généralement bien assez de places déjà existantes (souvent même trop, car de nombreux parkings sont vides), c’est leur affectation qui doit être revue en fonction des priorités définies par la politique de mobilité.

3. Réformer un réseau de transport public − Genève en a fait l’expérience récemment est très ardu. Est-il possible selon vous de repenser entièrement le schéma de stationnement d’une ville ou d’une agglomération ? Si oui, une solution ne pourrait-elle pas consister à « enterrer » la plupart des nuisances (circulation en tranchée couverte quand c’est possible, parcs de stationnement, voire centres commerciaux) pour embellir la ville et améliorer la qualité de vie en surface ?

Si l’avenir des voitures consiste à les enterrer, avouez que c’est assez cocasse ! Non, une telle solution ne ferait que cacher le problème sous le tapis, car les véhicules finissent bien par ressortir en surface à un moment donné… avec leur cortège de nuisances : bruit, pollution, encombrement, embouteillages, stress, accidents, etc. Une véritable politique d’avenir consiste au contraire à employer tous les moyens pour éviter au maximum à chacun d’utiliser un véhicule motorisé. Le développement des transports publics, des aménagements cyclables et piétons, de l’autopartage (voire du télétravail ou des livraisons à domicile) permettent une réduction durable et globale des nuisances. Les parkings souterrains et les tranchées couvertes sont des options bien plus coûteuses et bien moins efficaces. Quant aux centres commerciaux, ce ne sont rien d’autre que des petites « villes piétonnes » artificielles et privatisées… Or, je préfère mille fois un vrai centre-ville piéton ! Rien ne sert de réinventer la roue : de nombreuses villes du nord ont un trafic motorisé bien moins dense que chez nous, grâce à des politiques volontaristes et cohérentes. Cela implique certes de bousculer certaines habitudes, mais si d’autres l’ont fait, pourquoi pas nous ?

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