ALT

Interview de Suzette Sandoz

Simplifier l’orthographe ? Un appauvrissement culturel !

Suzette Sandoz, Professeure de Droit privé, ancienne conseillère nationale, Lausanne

– Que pensez-vous de la simplification en cours de l’orthographe, en France et chez nous, incitant par exemple à supprimer le circonflexe ou à supprimer des particularités (ognon au lieu d’oignon) ?

– Je suis toujours étonnée de constater qu’à une époque où l’on se gargarise de l’obligation de «faire mémoire», on veuille biffer la «mémoire culturelle» que révèle l’orthographe. Je considère cette simplification comme un appauvrissement culturel, qui tue l’esprit critique indispensable à la liberté de la pensée.

– Votre carrière s’est développée autour d’une parfaite maîtrise de la langue. Les nouvelles générations ont-elles toujours cette opportunité et comment donner aux jeunes le goût du «bien parler» et du «bien écrire» ?

– Il est indispensable que les enseignants aient ce goût et soient très exigeants à l’égard de leurs élèves. Une manière de former les personnes, dès l’enfance, à une belle langue, c’est de les faire lire et mémoriser beaucoup de beaux textes français. On assimile ainsi, presque sans en avoir conscience, des formules élégantes. Il serait en outre souhaitable que les milieux scientifiques cessent de se coucher devant la langue anglaise. Quand on pense que les étudiants qui viennent faire une partie de leurs études à Lausanne en repartent en ayant cultivé un mauvais anglais au lieu d’apprendre un bon français, on est attristé. Je considère que les milieux universitaires, notamment, trahissent la langue. Mais il s’agit là d’un problème très complexe, dont j’admets qu’il ne puisse être résolu en deux coups de cuillère à pot.

– La féminisation systématique des noms a-t-elle un sens ? Est-il bien de parler, comme on le fait en Suisse, de «cheffe» et de dire «la maire de Genève» ?

– La véritable égalité sera acquise lorsque l’usage d’un titre masculin n’empêchera à aucun moment de concevoir que la fonction est occupée aussi bien par une femme que par un homme. Je considère que la féminisation systématique est un obstacle à la véritable égalité. Mais pour cela, il faudrait encourager le goût de l’abstraction, qui est une richesse de la langue française, peu compatible avec notre civilisation concrète de l’image.

– À la tête de l’Éducation nationale ou de l’Instruction publique, quel serait votre programme politique ?

– Je réinstaurerais des examens de passage d’une année à l’autre. Ils sont formateurs et permettent les révisions des enseignements reçus. Je recréerais des filières différentes, afin de respecter les rythmes différents des enfants, et prévoirais des passerelles entre ces filières, de manière à ne pas pénaliser les élèves dont le développement intellectuel est parfois plus lent, mais tout aussi prometteur. Je veillerais à ce que les programmes permettent l’acquisition de connaissances humanistes et développent une curiosité scientifique. Enfin, mais ce serait là un problème politique intercantonal, je consacrerais des efforts à la révision de l’ordonnance fédérale de Maturité qui est marquée au coin de Mai 1968 et d’une fausse conception de la démocratisation des études.

Rubriques
Société