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Interview de Stéphane Koch

Fondamentalement, il manque une vraie stratégie d’éducation.

Stéphane Koch, Spécialiste des réseaux sociaux et de la sécurité de l’information

Quels sont les dangers liés aux données que l’on met sur internet ?

Aujourd’hui, un pont s’est créé entre vie privée et vie professionnelle. La plupart des périphériques que l’on utilise – que ce soit un téléphone mobile, une tablette ou un ordinateur – contiennent tant des données privées que des données professionnelles qui se côtoient et ne sont pas forcément séparées d’une manière claire les unes des autres. Ainsi, les actes de notre vie privée peuvent rebondir sur notre vie professionnelle. Avec la dématérialisation des contenus, des données ont beaucoup plus de chance d’être diffusées contre notre gré sur internet. Cela va des risques basiques, comme la simple perte de données, à des cas plus extrêmes comme l’infection d’un cheval de Troie qui téléchargera des contenus pédophiles de l’internet sur l’ordinateur infecté. Un ordinateur est un peu comme une pièce faisant office de débarras : on empile des choses dedans pendant des années et tout à coup, on perd la clé suite à un dysfonctionnement technologique. Si on a des contenus que l’on considère comme sensibles, il y a un risque qu’ils se propagent sur internet. Et souvent, les conséquences pour la réputation de la victime sont irréparables.

En tant que spécialiste, quel est le message que vous souhaitez faire passer ?

Il faut être conscient qu’il arrive parfois que nous perdions le contrôle de nos données. L’enjeu n’est pas de dire ce qu’il faut faire ou non d’un point de vue moral. Je ne vais pas dire : « Ne faites pas de selfies dénudés, ces photos vont se retrouver sur internet ! » Mais plutôt : « Maîtrisez votre information, protégez-la ! »

Justement, comment peut-on se protéger ?

C’est là toute la question de l’éducation. Fondamentalement, il manque une vraie stratégie d’éducation. Il ne doit pas s’agir uniquement de prévention. On part du principe que les gens maîtrisent le sujet. Alors que ce n’est pas le cas, nous n’avons pas un ADN qui nous prédispose aux technologies de l’information. J’ai le sentiment qu’il y a un déni de responsabilité au niveau politique.

On a pourtant le sentiment qu’on essaie de plus en plus d’informer les jeunes de ces dangers…

Ce n’est pas la question. Ce qu’il faut, c’est éduquer les gens à un bon comportement, amener une conscience sur ce qu’on peut ou ne peut pas publier sur internet. Certaines personnes affirment que la sphère privée n’existe plus. C’est faux ! C’est nous qui définissons le périmètre de notre sphère privée. Ce qui est privé pour vous ne l’est pas forcément pour moi. Par exemple, je ne mets pas de selfies de moi sur Facebook. D’autres le font. Il n’y a aucune critique là-dedans puisqu’il n’y a aucun mal à publier une photo de soi sur Facebook. C’est plus une réflexion que l’on doit avoir sur ce que l’on veut voir apparaître sur internet ou pas, à propos de soi.

Les critiques envers les réseaux sociaux ont-elles lieu d’être selon vous ?

On critique les réseaux sociaux parce qu’il y a des dérapages. Mais ils ne sont qu’un miroir sociologique. C’est en quelque sorte notre téléréalité. Ce que l’on retrouve sur les réseaux sociaux existe dans notre société. Quand une bande de jeunes se réunit pour aller tabasser quelqu’un, ce n’est pas la faute de ces plateformes. Les réseaux sociaux n’ont été que l’élément de mise en relation qui a permis à ces jeunes de le faire plus facilement. Ce type de phénomène existait déjà avant l’émergence des réseaux sociaux. Il ne faut pas oublier que, fondamentalement, ces technologies sont un liant humain, ils nous mettent en relation avec des individus. Ils ont énormément de valeur ajoutée. Et il ne faut pas que les dangers prennent le dessus sur les opportunités qu’ils nous offrent.

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Société