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Interview de Stéphane Bolognini

Des parkings à vélos gratuits, sauf s’il y a de vraies prestations.

Stéphane Bolognini, Président PRO VELO, Région Lausanne

1. Le problème du stationnement des véhicules et celui de leur circulation, en ville, prennent des proportions de plus en plus incontrôlables. Le nombre de « pendulaires » ne cesse de croître. Le recours accru aux deux-roues entraîne la question de leur stationnement. Doit-on le rendre payant ? Et surtout, où l’installer, en surface ou en sous-sol ?

Les deux-roues motorisés et les motos, à notre sens, sont des véhicules qui se rapprochent davantage de la voiture que du vélo. Celui-ci, en revanche, est un mode de transport écologique, qui ne monopolise pas l’espace public, et notre association encourage son utilisation. Le stationnement des cycles devrait a priori être gratuit, mais il est tout à fait possible que si l’on offre des services complémentaires, l’ensemble soit payant. Je prendrai comme exemple les Vélostations bien conçues, qui sont faciles d’accès, offrent des services (casiers avec cadenas, douches…) et permettent de rejoindre son train en quelques minutes. Il en existe, par exemple à Berne, qui sont souterraines. En revanche, si l’on parle des racks à vélos, il est peu indiqué de les rendre payants, car les gens stationneront ailleurs, en toute légalité puisqu’un vélo peut être garé sur un trottoir pour autant qu’il reste un passage de 1,5 mètre. Quant aux Vélostations, certaines sont mal pensées, et personne ne voudra perdre du temps ou se risquer dans un coupe-gorge.

2. Pensez-vous qu’il existe à ce jour, dans nos villes et villages, suffisamment de places de stationnement, publiques ou privées, pour les voitures, les scooters ou motos, et les vélos ?

En ce qui concerne Lausanne, il est manifeste que la voiture est beaucoup mieux « servie » que le vélo ! Il y a en tout et pour tout 200 places pour cycles à la gare, alors que le parking souterrain CFF compte déjà 400 emplacements pour autos. Il faut y ajouter plusieurs autres parkings et les places en zone bleue. Visiblement, on ne cherche pas à décourager l’usage de la voiture. A Zofingue, par exemple, cité alémanique de 12 000 habitants, on trouve des parkings à vélos couverts pour 500 cycles. Dans les villes romandes, on opte plutôt pour des places dessinées au bord des trottoirs, parfois avec des arceaux, mais elles sont généralement occupées par des scooters.

3. Réformer un réseau de transport public − Genève en a fait l’expérience récemment est très ardu. Est-il possible selon vous de repenser entièrement le schéma de stationnement d’une ville ou d’une agglomération ? Si oui, une solution ne pourrait-elle pas consister à « enterrer » la plupart des nuisances (circulation en tranchée couverte quand c’est possible, parcs de stationnement, voire centres commerciaux) pour embellir la ville et améliorer la qualité de vie en surface ?

Il faut être prudent avec l’idée de dissimuler sous terre ce qui gêne en surface. D’abord, toujours dans le cas de Lausanne, il n’y a pas vraiment de vue d’ensemble de la part des autorités. On pose des rails de tramway sans se préoccuper du fait que la mise en service de la ligne va reporter le trafic ailleurs. On ne libère finalement qu’un périmètre. Quant aux passages souterrains pour les véhicules, ils favorisent eux aussi le transit de la circulation automobile. Tant qu’on n’oblige pas le trafic de transit à contourner la ville, on accroît la charge sur l’environnement, parce qu’il y a de plus en plus de passage de voitures et de pollution. En ce qui concerne les centres commerciaux, vu l’absence de fenêtres qui les caractérise souvent, les placer en sous-sol ne poserait pas de problème. Maintenant, la ville idéale où toutes les voitures seraient en sous-sol et les vélos, piétons et espaces verts en surface, cela reste séduisant. Mais c’est une utopie pour des raisons financières. On voit des exemples où un pan de ville en écoquartier réussit à relever ce genre de défi (Vauban à Fribourg-en-Brisgau, Louvain-la-Neuve en Belgique, bientôt Métamorphose à Lausanne), mais c’est difficilement imaginable dans un tissu urbain édifié depuis des siècles.

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