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Interview de Michèle Künzler

Genève n’est plus une bourgade; il faut changer de paradigme.

Michèle Künzler , Conseillère d’Etat, Département de l’intérieur et de la mobilité, Genève.

1. Le problème du stationnement des véhicules et celui de leur circulation, en ville, prennent des proportions de plus en plus incontrôlables. Le nombre de « pendulaires » ne cesse de croître. Le recours accru aux deux-roues entraîne la question de leur stationnement. Doit-on le rendre payant ? Et surtout, où l’installer, en surface ou en sous-sol ?

Le problème se pose en effet avec acuité à Genève, puisqu’en dix ans, le nombre de motos et de scooters est passé de 34 000 à 50 000. Outre la question du bruit et de la pollution, il y a un vrai souci d’occupation de l’espace public dans l’hypercentre. Une place de stationnement pour voiture peut être transformée en cinq places pour deux-roues motorisés ; c’est ce que nous avons fait au centre-ville. Mais dans un second temps, il faudra que ces véhicules soient stationnés en parkings souterrains payants ; le projet Clés-de-Rive en prévoit, et il en existe déjà à Saint-Antoine, par exemple. A Bâle, les places en surface pour motos et scooters sont aussi payantes, et lorsqu’on se promène en ville de Genève, on voit que même les vélos, s’ils sont stationnés en masse, peuvent empêcher les piétons de traverser une rue. C’est pourquoi nous planifions des Vélostations et des Vélib’ aux interfaces du CEVA. Et pour limiter vraiment l’encombrement, passer de la propriété d’un véhicule à un usage partagé – selon le concept Mobility − est une solution d’avenir. Les parkings en sous-sol sont coûteux à réaliser ; nous sommes arrivés au bout des opportunités d’en construire à coût raisonnable dans des terrains idoines. Si le sous-sol ne s’y prête pas, les coûts se multiplient.

2. Pensez-vous qu’il existe à ce jour, dans nos villes et villages, suffisamment de places de stationnement, publiques ou privées, pour les voitures, les scooters ou motos, et les vélos ?

La loi sur la compensation des places de stationnement permet de récupérer de l’espace public. Celui-ci est limité, et il ne s’agit pas seulement d’en gagner pour la promenade, mais aussi pour des usages fonctionnels : voies de bus, pistes cyclables, etc. A Genève, la sur-face des places pour voitures en surface équivaut à peu près au périmètre de Praille-Acacias-Vernets. A Rive, il faut que nous réalisions les Clés-de-Rive afin de disposer enfin d’un vrai espace piétonnier dans l’hypercentre. Plus loin, on remarque que les parkings comme celui de Sciences II sont à 70 % vides ! Nous avions proposé, durant les travaux du tram de de Bernex (TCOB), deux mois gratuits de parking et un abonnement TPG à 170 francs. Il y a eu dix-sept commandes… Alors que dans un centre urbain comme New York, seul un quart des habitants ont une voiture. Il faut réaliser que Genève n’est plus une bourgade, mais le centre d’une agglomération de 800 000 habitants. Le prix des parcomètres n’avait pas bougé depuis 20 ans, les zones bleues s’étendent dans les communes depuis tout récemment…

La surface des places pour voitures en surface équivaut à peu près au périmètre de Praille-Acacias-Vernets.

3. Réformer un réseau de transport public − Genève en a fait l’expérience récemment − est très ardu. Est-il possible selon vous de repenser entièrement le schéma de stationnement d’une ville ou d’une agglomération ? Si oui, une solution ne pourrait-elle pas consister à « enterrer » la plupart des nuisances (circulation en tranchée couverte quand c’est possible, parcs de stationnement, voire centres commerciaux) pour embellir la ville et améliorer la qualité de vie en surface ?

Nous disposons de plans directeurs pour le stationnement et les parkings-relais, qui comprend ceux que nous pourrions cofinancer en France voisine. Le réseau TPG a accru son offre de 89 % en 10 ans, mais comme le réseau routier genevois comprend plus de routes principales que de routes secondaires, cela a équivalu à ajouter de la matière dans un œuf déjà plein. Aujourd’hui, le réseau des transports publics fonctionne mieux, et nous avons par exemple prolongé l’horaire de journée au début de soirée. Pour ce qui est de la cohabitation avec les véhicules privés, il s’agit aussi de régler le problème des infractions – qui se comptent par centaines à la rue du Rhône, par exemple –, grâce à des méthodes modernes (identification des plaques d’immatriculation). Mais on commence aussi à gérer le covoiturage du XXIe siècle : au lieu de procédures compliquées, des applications smartphone permettent déjà d’éviter le gaspillage insensé de 500 000 sièges de voiture vides par jour circulant à Genève ! Il faut changer de paradigme : plus de places gratuites devant son bureau, par exemple. Avant l’idée des axes souterrains – très chers et peu adaptés lorsque 30 % des autos font moins de 3 km de trajet – et avant les mesures de péage urbain, obtenons simplement que les gens réfléchissent. Dans une école, la place de parking est passée de zéro à soixante francs par mois. Depuis, la plupart des enseignants ont découvert qu’ils pouvaient utiliser un vélo ou les TPG.

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Société