Interview de Lisa Mazzone
Le stationnement est la clef de voûte de toute politique de mobilité.
1. Le problème du stationnement des véhicules et celui de leur circulation, en ville, prennent des proportions de plus en plus incontrôlables. Le nombre de « pendulaires » ne cesse de croître. Le recours accru aux deux-roues entraîne la question de leur stationnement. Doit-on le rendre payant ? Et surtout, où l’installer, en surface ou en sous-sol ?
Il est essentiel de distinguer les vélos des deux-roues motorisés, tant sur la chaussée qu’en matière de stationnement, en raison de leur impact sur l’environnement. De manière générale, PRO VELO Genève promeut le stationnement gratuit et en surface des vélos. Le développement des Vélostations (parking vélo surveillé, mais payant) dans les gares va dans le bon sens, mais il est important de garder une offre diversifiée : avec une petite contribution si elle est liée à un service supplémentaire (mise à disposition de casiers, etc.) et gratuite, en grand nombre, permettant d’attacher son vélo à un point fixe et le plus souvent à l’abri des intempéries.
Par contre et contrairement aux voitures, les deux-roues motorisés ont augmenté de manière fulgurante à Genève (+40 % en 10 ans). Pourtant, leur pollution, tant sonore qu’atmosphérique, est largement reconnue, et ces véhicules motorisés représentent un danger qui se retrouve dans les statistiques d’accident. Leur régime de stationnement est aujourd’hui de nature à promouvoir leur utilisation. Il faut l’adapter à leurs nuisances, en le rendant payant et le favorisant en sous-sol, pour susciter davantage de transfert vers le vélo et le vélo à assistance électrique.
2. Pensez-vous qu’il existe à ce jour, dans nos villes et villages, suffisamment de places de stationnement, publiques ou privées, pour les voitures, les scooters ou motos, et les vélos ?
Le stationnement est la clef de voûte de toute politique de mobilité. En effet, tant qu’une place est disponible à l’arrivée, la voiture garde son attrait. Cependant, en 2013, l’enjeu est d’abord la santé publique, qui se décline entre protection de l’environnement, encouragement à l’activité physique, réduction des accidents et du stress. Et l’on sait que les véhicules individuels motorisés n’offrent pas satisfaction en la matière. L’organisation du stationnement doit donc prendre en compte ces objectifs pour le bien de tous ! Cela étant, il convient de rappeler, face à l’émotion que déclenche la discussion sur le stationnement à Genève, qu’un grand nombre de places est aujourd’hui disponible et, en souterrain, inoccupé. En ville de Genève, ce sont 36 % des ménages qui ne possèdent pas de voiture. Pourtant, encore trop de déplacements motorisés rejoignent le centre-ville avec l’assurance de trouver une place. Il s’agit aujourd’hui, pour la qualité de vie, d’optimiser l’utilisation des places existantes et de promouvoir des mobilités moins gourmandes en espace public et en énergie.
3. Réformer un réseau de transport public − Genève en a fait l’expérience récemment est très ardu. Est-il possible selon vous de repenser entièrement le schéma de stationnement d’une ville ou d’une agglomération ? Si oui, une solution ne pourrait-elle pas consister à « enterrer » la plupart des nuisances (circulation en tranchée couverte quand c’est possible, parcs de stationnement, voire centres commerciaux) pour embellir la ville et améliorer la qualité de vie en surface ?
Enterrer le problème ne signifie en rien le résoudre, mais rappelle plutôt l’autruche. Ces grands ouvrages sont en outre particulièrement onéreux – entre CHF 40 000.– et CHF 60 000.– la place en sous-sol, alors qu’il faut aujourd’hui mettre des priorités financières en matière de mobilité, car les moyens sont limités et les enjeux de taille, à l’échelle de l’agglomération. Même la construction de nouveaux logements voit ses coûts augmenter de façon considérable à chaque place souterraine supplémentaire, et ce sont aux locataires de les assumer. La solution, pour PRO VELO Genève, est davantage d’investir dans le développement des mobilités actives et durables, notamment en construisant un réseau de pistes cyclables sûres et agréables, qui permette à toujours plus de personnes de faire le choix du vélo, mais également en poursuivant le développement des transports collectifs et encourageant les offres d’autopartage. L’offre de vélo en libre service jouera également, à l’avenir, un rôle important pour les déplacements en ville. En résumé, la solution se trouve davantage du côté de l’alternative, qui est à même d’offrir une meilleure qualité de vie tant aux habitants qu’aux pendulaires.
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