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Interview de Jacques Pilet

Contribuer à la diversité, des approches

Jacques Pilet, Membre de l’équipe du site « Bon pour la tête »

L’un des signes les plus évidents du bouleversement du paysage médiatique romand a été la disparition de L’Hebdo. Quelques semaines plus tard est né le site «Bon pour la tête» (bonpourlatete.ch), dont le nom rappelle une accroche publicitaire du magazine. Comment est né ce « média indocile » ?

Jacques Pilet – Je préciserai d’abord que « Bon pour la tête » n’est pas une survivance, un alias de L’Hebdo, mais une expérience originale issue de la volonté de quelques anciens journalistes de ce magazine, du journal Le Temps ou d’autres horizons. L’objectif était de créer un lieu d’expression libre et indépendant, où non seulement des professionnels chevronnés mais aussi des jeunes attirés par ce métier puissent explorer des voies nouvelles en matière de rédaction, de dessin de presse, de vidéo, traiter des sujets différents de ceux des grands médias, ou les aborder différemment.

– Le succès est-il déjà au rendez-vous ?

– On peut le dire en effet. Un dynamisme collectif s’est installé et nous avons plaisir à nous rassembler, une fois par semaine, en conférence de rédaction. Bien sûr, nous n’avons pas les moyens de verser des salaires et à l’exception de deux permanents assurant la gestion technique et la mise en ligne, nos quelques dizaines de participants sont des pigistes, rémunérés à la ligne. Nous ne sommes pas encore sortis des chiffres rouges, mais les abonnements – mensuel, annuel ou de soutien – croissent régulièrement; notre petit capital de départ a été assemblé par crowdfunding. Notre notoriété est encore insuffisante, mais nous considérons que l’évolution de cette expérience est prometteuse. Un premier bilan sera tiré en juin, après une année de publication sur le Net. Chacun parmi nous est convaincu que cette aventure devait être tentée, pour explorer les opportunités offertes par Internet et les nouveaux aspects de notre métier apportés par la révolution numérique.

– Beaucoup de médias dits  « alternatifs » revendiquent le rôle de lanceur d’alerte, de révélateur d’une vérité que la « grande presse » écrite ou audiovisuelle ignorerait, voire dissimulerait. Telle n’est pas votre vocation ?

– Pas du tout ! Nous n’entendons donner de leçon à personne. Les grands médias font leur travail et nous souhaitons contribuer à la diversité des approches et de l’information, sans défendre un quelconque catéchisme idéologique. Les titres de la grande presse suivent un « agenda » assez semblable, publiant et commentant les actualités du jour, ce qui peut produire un effet de redondance, chacun trouvant les mêmes nouvelles au même moment dans son journal ou son média électronique. Nous pensons utile d’aborder des sujets différents, un peu à contretemps, avec un discours libre et original ; nous transmettons des idées, des images, des mots qui accroissent la variété des sources d’information et de réflexion. Créer un lien avec nos lecteurs, malgré la multiplicité des sollicitations qui les touchent, est notre espoir, tant il est évident que nous n’avons pas les moyens de lancer de vastes opérations de marketing.

– Justement, l’internaute n’est-il pas un peu perdu dans la pléthore de sites, de blogs, de réseaux ?

– C’est vrai, le public dispose de nombreux types de médias et, sur le Net, les sites et forums des grands médias, des groupes d’intérêt autour d’une option politique, d’un pays, d’un sujet spécifique se multiplient et, parfois, les gens se regroupent en véritables « clans » ! « Bon pour la tête » apporte une vision ouverte, cherchant à rassembler jeunes et moins jeunes autour de thèmes et de débats aussi divers que possible.

– Comment voyez-vous l’avenir des médias alternatifs et notamment du vôtre ?

– Je ne cherche pas à le prédire : nous nous sommes lancés dans cette initiative avec passion et sans savoir où elle nous mènerait. On peut imaginer le développement d’une coopérative, une coopération avec un autre média, la publication d’une version imprimée sous forme de mensuel… Toutes sortes de perspectives sont envisageables.

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