Interview de Jacqueline de Quattro

Il paraissait impératif pour le Gouvernement vaudois que la thématique de l’énergie bénéficie d’une attention soutenue et que sa dimension stratégique soit renforcée.

Jacqueline de Quattro, Conseillère d’Etat en charge du Département de l’environnement (VD)

− Quels sont les grands axes du projet de révision de la Loi vaudoise sur l’énergie ?

− L’assainissement des bâtiments constitue le principal champ de compétence des cantons. Notre projet de loi porte donc sur ce secteur qui, rappelons-le, engloutit environ 45 %de la consommation énergétique totale du pays. Le texte révisé renforce l’efficacité énergétique. Il prévoit, notamment, que les nouvelles constructions couvrent au moins 30 % de leurs besoins en eau chaude sanitaire et 20 % de leurs besoins en électricité par des énergies renouvelables, principalement le solaire thermique et le solaire photovoltaïque. L’introduction d’un certificat énergétique, pour les nouvelles constructions, est aussi à l’ordre du jour, tout comme le remplacement des chauffages électriques d’ici 2030, assortis de mesures. Par ailleurs, le projet introduit également la notion de planification énergétique territoriale. Cette mesure devrait nous permettre de mieux prendre en compte la question de l’énergie dans l’aménagement du territoire et, aussi, de mieux valoriser les gisements d’énergies renouvelables du canton.

− Des subventions sont-elles prévues ?

− Il existe déjà un programme cantonal courant de subventions énergétiques, qui porte notamment sur de nombreux domaines du bâtiment. Mais le Conseil d’Etat vaudois a lancé en plus, en janvier 2012, un vaste plan d’investissement, doté de 100 millions de francs, en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ce programme comporte, entre autres, une enveloppe de 30 millions destinée à encourager les travaux d’isolation et le remplacement des chauffages électriques. La production de courant photovoltaïque est aussi favorisée. Nous estimons que 600 projets vaudois, actuellement sur liste d’attente auprès de Swissgrid, pourraient ainsi être soutenus. Un soutien à la force hydraulique ou la participation à des audits énergétiques pour les grands consommateurs sont aussi prévus dans ce cadre. Par ailleurs, le projet de loi précise que des subventions peuvent être attribuées pour les activités qui répondent à notre politique énergétique.

− Quels sont vos objectifs en termes d’économie d’énergie ?

− Les objectifs existent déjà. Ils ont été indirectement formulés par le Conseil fédéral lorsqu’il a décidé de sortir du nucléaire. Il faudra en effet trouver les moyens de compenser 40 % de notre consommation d’électricité d’ici peu. Difficile de faire plus clair en matière d’objectifs ! A nous de trouver les moyens d’y arriver. Mais je compte sur l’intelligence des usagers, qui adopteront les pratiques les plus rationnelles. Le domaine du bâtiment, qui constitue le gisement d’économie le plus important, en est un exemple parfait. Une bonne connaissance des installations et une exploitation judicieuse peuvent déjà permettre des économies de l’ordre de 25 % dans un immeuble. Les professionnels du bâtiment et de la construction, les hautes écoles, les propriétaires immobiliers et même les locataires ont un rôle essentiel à jouer. Les acteurs sont donc nombreux, et il existe un véritable marché pour les entreprises romandes. Notre rôle, dès lors, n’est pas d’établir des objectifs supplémentaires à ceux définis par la Confédération, mais de fournir les bons outils, ce que nous faisons par le biais de ce projet de loi.

− Quelle autre alternative avez-vous en cas de refus du projet de révision de la loi au Grand Conseil ?

− Le Conseil d’Etat a transmis au Grand Conseil un projet de révision de loi. Le texte va d’abord passer en Commission avant d’être discuté au plénum. Les députés vont y apporter des amendements. C’est le jeu démocratique. Mais je n’imagine pas le Grand Conseil refuser l’entrée en matière. Cette révision est nécessaire et attendue. La loi actuelle ne date que de 2006, mais le contexte a fortement évolué depuis son introduction. J’en veux pour preuve le nombre d’interventions parlementaires déposées, plus de trente ! Cette réforme est indispensable si le canton veut se doter des outils pour sortir du nucléaire.

− Si la révision de la loi est approuvée, allez-vous, comme c’est le cas depuis le début de l’année à Genève, donner une impulsion nouvelle au service de l’énergie ?

− Nous n’avons pas attendu la révision de la loi pour agir en la matière. Le Conseil d’Etat avait déjà décidé auparavant de réorganiser les services cantonaux liés à l’environnement et à l’énergie. C’est ainsi qu’une direction générale de l’environnement a été créée. Elle se compose de trois directions, dont l’une est consacrée uniquement à l’énergie. Au vu de l’importance que ce domaine a pris au fil des années, et qu’il va continuer à prendre à l’avenir, il paraissait impératif pour le Gouvernement que cette thématique bénéficie d’une attention soutenue et que sa dimension stratégique soit renforcée. La nouvelle entité permettra de nouvelles synergies et une meilleure coordination de l’ensemble des dossiers liés à l’énergie. Nous allons également améliorer les services aux citoyens, notamment par l’administration en ligne.

Une enveloppe de trente millions destinée à encourager les travaux d’isolation et le remplacement des chauffages électriques. »

− Seriez-vous disposée à encourager éventuellement la démolition-reconstruction d’immeubles passoires des années cinquante à septante, dont la rénovation énergétique s’avèrerait impossible ou d’un coût manifestement disproportionné ?

− Non, pas du tout. Nous ne pouvons pas nous substituer aux propriétaires, et c’est à eux seuls que peut revenir une telle décision. Notre rôle est de donner des impulsions, d’accompagner les citoyens dans leurs efforts pour diminuer leur consommation énergétique. Comme je l’ai déjà évoqué, le Canton de Vaud fournit une large palette de subventions dans le domaine du bâtiment, dont nous avons constaté le succès et l’efficacité. Je suis persuadée qu’il est plus aisé d’y faire recours que de passer par la voie de la démolition-reconstruction, surtout pour des immeubles d’habitations.