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Interview de Gilles D’Andrès

L’approvisionnement en dépêches serait clairement menacé.

Gilles D’Andrès, Journaliste à l’Agence télégraphique suisse (ATS) et membre de la commission de la rédaction.

Gilles D’Andrès, journaliste à l’Agence télégraphique suisse (ATS) et membre de la commission de la rédaction, répond à quelques questions sur les causes de la restructuration de l’ATS annoncée au début janvier et prévoyant la suppression de 35 à 40 postes sur 150. Cette décision a suscité l’indignation des journalistes de l’ATS et de toute la presse suisse.

– Gilles D’Andrès, les problèmes rencontrés par l’ATS sont-ils dus indirectement au phénomène de concentration de la presse ?

Gilles D’Andrès – Cela fait partie des causes conjoncturelles. Il y a une fusion qui a été annoncée pour 2018, pour autant qu’elle soit acceptée par la Commission de la concurrence, avec l’agence photographique Keystone pour aller vers une stratégie multimédia. Les actionnaires de l’ATS sont les grands groupes de presse et ses clients sont les journaux, les radios et les télévisions qui font partie de ces mêmes grands groupes de presse. L’ATS est donc dans une situation particulière. De plus, nous sommes dirigés par des gens qui sont davantage des gestionnaires que des journalistes. C’est une conception économique sans égard pour la qualité du service et pour la mission de l’ATS de veiller à une cohésion nationale, une vision nationale dans la diffusion des dépêches et des thèmes couverts.

– L’ATS subit donc de plein fouet la situation très difficile dans le monde de la presse aujourd’hui ?

– Les groupes de presse propriétaires de l’ATS demandent de faire baisser les prix des abonnements de notre agence. C’est étroitement lié à la crise des médias aujourd’hui. Le lectorat s’effrite, ce qui met les journaux dans des situations financières difficiles qui exigent en fin de compte que l’ATS soit moins chère.

– Vous n’aviez pas cette exigence de rentabilité avant que l’agence Austria Presse Agentur (APA) prévoie d’entrer au conseil d’administration en tant qu’actionnaire le plus fort ?

– APA vient avec une revendication de générer du dividende à partir de 2020 alors que ce n’était pas un objectif avant. Cela va à l’encontre de la mission de l’ATS de faire dialoguer chaque région linguistique mais aussi de fournir un service assez complet au niveau suisse avec des dépêches sur les différents domaines, politiques, économiques, la couverture de débats dans les parlements cantonaux, municipaux et fédéraux. Tout cela est menacé avec ces nouveaux objectifs.

– Avec une perte de près du quart des effectifs, comment assurer la même qualité de l’information, Est-ce possible?

– La direction nous dit que cela ne changera rien à la qualité de l’information. Avec une telle diminution sur la quantité, il y aura évidemment un impact sur la qualité. Il manque des données essentielles pour être sûrs que l’ATS de demain, même avec une telle structure, restera une agence de presse qui produise un service de qualité pour ses clients. Cette restructuration touche la plupart des bureaux régionaux, dans toute la Suisse. Nous n’aurons plus le temps d’assister aux conférences de presse, pas les effectifs, pas le temps de faire aussi bien. L’approvisionnement en dépêches serait clairement menacé.

– Si la restructuration n’est pas réalisée, il y aurait, selon le conseil d’administration, plus de 4 millions de déficit en 2018 ?

– Le conseil d’administration a voté des mesures d’économie pour éviter ce déficit de plus de 4 millions. Selon la direction, cela passe par des suppressions de postes forcément. Nous ne sommes pas du même avis. Nous pensons qu’il y a d’autres choses à faire et qu’il y a une certaine responsabilité que porte la direction. Celle-ci n’est pas du tout impactée par cette restructuration alors que les journalistes doivent payer pour des erreurs de stratégie qui ont été commises dans le passé. Aujourd’hui, ce sont les journalistes qui sont forcés à devoir réduire leur temps de travail ou être licenciés.

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