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Interview de Dominique Faesch

Le bon sens reste de mise.

Dominique Faesch, Présidente Cercle Suisse des Administratrices

– Ces dernières années on a vu naître de nombreux réseaux de femmes dirigeantes comme le vôtre. En ce qui concerne l’accès des femmes à des postes d’administratrices, sentez-vous un vent nouveau ? Avez-vous des chiffres ?

– Effectivement le Cercle Suisse des Administratrices ne constitue pas seulement un réseau de femmes dirigeantes, mais plus spécifiquement de femmes administratrices ou en passe de l’être, c’est-à-dire qu’elles œuvrent au sein des organes stratégiques de diverses entreprises et fondations. 70% de nos membres occupent un ou plusieurs mandats dans des conseils d’administration d’entreprises suisses de moyenne et grande taille.

Selon le rapport Schilling 2017 (sondage auprès des 118 plus gros employeurs suisses + secteur public), la moyenne des femmes au sein de chacun de leur conseil d’administration se situe actuellement autour de 19%. Cette moyenne était de 17% en 2016, mais de 10% en 2010. On peut légitimement considérer qu’il y a une légère évolution, mais en comparaison avec d’autres pays la moyenne reste trop faible pour la Suisse, pays à forte scolarité et à haut PIB (Norvège (43%), France (41%), Suède (36%), Grèce (9%), pays pourtant exemplaire pour d’autres indicateurs comme la qualité de l’enseignement ou le PIB.

Et pour répondre à la 1ère partie de la question, oui on sent une évolution des positions autant chez les hommes que chez les femmes. Les jeunes générations ont appris à étudier et à collaborer dans des environnements mixtes, elles se sentent légitimes et fières de leurs compétences, et surtout prêtes à s’engager. Et parmi les personnes de ma génération, il y a des femmes qui ont des parcours exemplaires, des carrières dans des multinationales à hautes responsabilités, ou en politique. Même si elles ont souvent été peu nombreuses dans leur domaine, elles sont aujourd’hui des personnalités dont les engagements au sein de conseils sont appréciés et recherchés.

– Pensez-vous que c’est par le langage, la féminisation des noms de métier, le rue, l’écriture inclusive par exemple que l’on peut changer le regard sur la femme et sa place dans notre société ?

– Bien entendu c’est un ensemble de prises de conscience qui permettent des avancées progressistes, mais les deux principaux soutiens à la promotion de la femme dans la société sont : l’exemplarité de femmes dans des postes à responsabilité ou à forte implication, ainsi que la performance des organismes fonctionnant avec des fonctions mixtes et des compétences complémentaires. Les débats concernant l’intégration du langage épicène ou de l’écriture inclusive sont intéressants et permettent de mettre le doigt sur certains manquements, par exemple sur certaines aberrations du langage. Mais il faut faire attention de ne pas susciter le rejet par excès de zèle. Le bon sens reste de mise.

– En politique, le discours, les mots, l’image peuvent largement inspirer, influencer, transformer la société. Les femmes doivent-elles investir plus particulièrement ce domaine afin de faire bouger les choses ?

– Les femmes expérimentées dans leurs domaines respectifs doivent pouvoir s’engager au même titre que les hommes pour la défense des enjeux sociétaux et donc dans les instances politiques à tous niveaux. Mais ce sont avant tout les femmes charismatiques, et compétentes donc exemplaires, qui donneront envie à d’autres de les suivre, leur insuffleront la confiance dont nous avons toutes et tous besoin pour nous positionner, et c’est ce qui forcera le respect dans tous les milieux. Et ces personnalités sont plus nombreuses que l’opinion publique veut bien l’estimer.

– Le succès mondial de la série politique danoise « Borgen » a certainement contribué à changer le regard sur la femme en politique. Concrètement quels changements avez-vous vu s’opérer en Suisse, y a-t-il plus de femmes qui s’engagent ? les sujets sont-ils plus en lien avec les préoccupations des femmes (égalité salariale, accès au haut management) Le regard des hommes ?…

– Oui il y a des combats que les femmes doivent mener pour faire évoluer la société et bénéficier de tous les droits auxquels l’ensemble de ses membres aspirent de manière égalitaire. Et ces combats sont justes et nécessaires. Par contre le fait de ne se profiler que pour ces engagements là est à mon avis réducteur et stigmatisant. Il y a d’autres combats urgents et importants, comme le développement durable, la formation et l’éducation, le soutien à l’économie,… qui vont également permettre de valoriser des compétences et des personnalités, et ceux-ci concernent l’ensemble de la société. Je souhaite également voir plus d’hommes s’engager pour la promotion de femmes au sein de leur parti et de leurs entreprises.

www.cercle-suisse-administratrices.ch

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Société