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Interview de Christophe Beusch

Abandonner l’idée d’aller tout le temps et partout avec son véhicule privé.

Christophe Beusch, Architecte et urbaniste IAUG/SIA, Genève

1. Le problème du stationnement des véhicules et celui de leur circulation, en ville, prennent des proportions de plus en plus incontrôlables. Le nombre de « pendulaires » ne cesse de croître. Le recours accru aux deux-roues entraîne la question de leur stationnement. Doit-on le rendre payant ? Et surtout, où l’installer, en surface ou en sous-sol ?

Il faut évidemment distinguer entre motos ou scooters d’une part, vélos de l’autre. Pour les premiers, je vois un problème à résoudre : un deux-roues encombre cinq fois moins qu’une auto. S’il fallait adapter un tarif de parking souterrain, cela me semblerait peu rentable ; on devrait sans doute procéder par abonnement. Dans nos relations avec les collectivités, je constate que tout se passe comme si motos et scooters n’existaient pas : on ne sait comment les traiter. En ce qui concerne les vélos, on commence à trouver des édicules ou des stations, parfois sur deux étages et généralement dans les villes assez importantes. A l’inverse, dans une ville moyenne comme Fribourg, on tolère le stationnement de vélos et de motos sur les quais de la gare ! A mon sens, le parking à vélos doit être gratuit ; on doit favoriser ce choix de mobilité.

2. Pensez-vous qu’il existe à ce jour, dans nos villes et villages, suffisamment de places de stationnement, publiques ou privées, pour les voitures, les scooters ou motos, et les vélos ?

Les places sont suffisantes si l’on part du principe de la baisse inéluctable, à terme, du nombre de véhicules motorisés individuels en ville. Veut-on leur consacrer encore plus d’espace, alors que celui-ci devient de plus en plus précieux ? Un transfert de catégorie est certainement possible, les places de stationnement pour voitures étant transformées en places pour deux-roues motorisés, puis pour vélos. Des solutions nouvelles, pavillons de stationnement pour deux roues, silos collectifs pour les voitures, etc. sont surtout imaginables dans les nouveaux quartiers.

3. Réformer un réseau de transport public − Genève en a fait l’expérience récemment − est très ardu. Est-il possible selon vous de repenser entièrement le schéma de stationnement d’une ville ou d’une agglomération ? Si oui, une solution ne pourrait-elle pas consister à « enterrer » la plupart des nuisances (circulation en tranchée couverte quand c’est possible, parcs de stationnement, voire centres commerciaux) pour embellir la ville et améliorer la qualité de vie en surface ?

Transformer complètement une situation est impossible, mais on peut y apporter des réformes. Il faut tout d’abord comprendre que l’idée qu’on puisse aller partout, tout le temps, avec son véhicule individuel motorisé doit être abandonnée. Ensuite – et l’on peut prendre exemple sur diverses villes en Europe, notamment en France, pays pour-tant réputé « pro-voiture » −, créons dans nos villes des alvéoles piétonnières de taille soigneusement étudiée, avec un stationnement organisé à leurs limites. Il serait illusoire d’imaginer, par exemple à Genève, une zone sans voiture allant de la Praille aux Pâquis. Mais des périmètres représentant une quinzaine de minutes de marche me semblent raisonnables. Quant à « enterrer » infrastructures et trafic, je n’y suis pas favorable. D’abord, c’est un luxe qu’on ne peut se permettre pour des raisons de coût ; ensuite, sur le plan philosophique et architectural, je suis convaincu que tous les éléments de la ville, tout ce qui crée sa substance – commerces, lieux culturels, parcs, édifices publics, moyens de déplacement – doivent être réunis pour qu’il y ait une vie urbaine. Séparer les dispositifs « techniques » des autres relève d’une conception datée. En outre, c’est présupposer que les gens accèdent au centre en voiture. L’urbanisme actuel, c’est de placer les lieux de vie urbaine non au-dessus de parkings, mais à proximité des transports publics.

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