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Interview de Christine Sayegh

Le contrôle des activités financières est faible, face à l’imagination humaine.

Christine Sayegh, Avocate

Avez-vous le sentiment que l’exercice des libertés individuelles est devenu plus restreint ces dernières années, notamment en Suisse ?

Au sens général du terme, l’exercice ne me semble pas être restreint. Par contre le risque de cet exercice me paraît accru avec les moyens de communication actuels, qui favorisent l’utilisation difficilement contrôlable des données personnelles, des opinions exprimées, etc. Toutefois, ce risque ne me paraît pas disproportionné au regard de l’accès facilité aux informations politiques, culturelles, scientifiques et autres.

Assiste-t-on, selon vous, à une mondialisation ou à une américanisation, y compris sur le plan du contrôle « en amont » des activités financières, des déplacements, etc. ?

Nous vivons à l’échelle mondiale, mais non une mondialisation. Le contrôle économique est détenu avant tout par des organisations multinationales puissantes. Le contrôle des activités financières existe, mais il est à mon avis faible face à l’imagination humaine. Je pense qu’il y a plus de mesures restrictives en matière douanière, de transport,d’agriculture et dans divers domaines que de contrôle en amont.

La réalité sinistre du terrorisme justifie-t-elle des mesures de sécurité plus drastiques et plus invasives de la vie privée ?

Le terrorisme est une désastreuse réalité, avec laquelle nous sommes condamnés à vivre depuis la nuit des temps. Les moyens préventifs doivent être très attentivement réfléchis, car leur application non nuancée crée rapidement un climat de suspicion. Leur impact est manifeste sur la vie privée.

La Suisse souffre-t-elle d’un excès de bureaucratie ? En tant qu’ancienne médiatrice LIPAD (loi genevoise sur l’information du public et l’accès aux documents), pensez-vous que le citoyen soit aujourd’hui armé face à l’administration, et s’il l’est, qu’il le sache et en fasse usage ?

Dans certains domaines, la bureaucratie est pesante, dans un but de contrôle permettant d’avoir une information cohérente. Elle ralentit la prise de décision, ce qui n’est pas forcément négatif. L’introduction de la LIPAD a permis de passer de la culture du secret à celle de la transparence. Cette mutation a été beaucoup plus importante pour l’administration, qui devait changer de pratique, que pour les administrés, dont la propension à solliciter l’administration était déjà notoire, mais sans réponse satisfaisante. L’accès via Internet s’est également avéré un complément très utile pour l’application de la LIPAD, avec la mise en ligne de nombreux documents et la création d’un espace d’accès ouvert à la population.

La densité de normes et de lois a pour corollaire paradoxal – aux yeux de nombreux observateurs – le triomphe du capitalisme et de l’argent. Comment l’expliquer ? La liberté est-elle réservée aux riches et aux puissants ?

Le cadre constitutionnel des libertés résulte de choix politiques. S’il est trop étroit, il ne résistera pas à la rébellion, à moyen terme, dans les pays dits développés.

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Société