Interview de Charlotte Laubard
L'idée, c'est de redonner à l'art une valeur d'usage en l'ancrant dans des enjeux qui concernent directement les citoyens.
Les Nouveaux Commanditaires existent depuis les années 90 et a essaimé dans une vingtaine de pays. Créée d’abord en France et soutenue par la Fondation de France, l’association internationale vise à élargir la commande publique et permettre à tout un chacun de lancer son propre projet artistique. Fondée par Aude Vermeil, la Société suisse des nouveaux commanditaires a vu le jour il y a un peu plus d’un an. Rencontre avec Charlotte
Laubard, cofondatrice des Nouveaux Commanditaires en Suisse et médiatrice en Suisse romande. – Les Nouveaux Commanditaires, qu’est-ce que c’est ?
– Les Nouveaux Commanditaires, qu’est-ce que c’est ?
Les Nouveaux Commanditaires inversent les processus en matière de commande publique. En général, la commande passe
par les pouvoirs publics qui lancent un concours artistique pour réaliser une oeuvre d’art dans le cadre d’un aménagement ou
d’une rénovation urbaine. En ce qui concerne les Nouveaux Commanditaires, c’est tout le contraire. Un groupe de citoyens,
quel qu’il soit, peut faire appel à nos services pour que nous nous chargions
avec eux de trouver une réponse artistique à un problème, que
ce soit d’aménagement urbain ou lié à des enjeux de société. Nous
sommes sur des modalités de collaboration dans l’air du temps, totalement
participatives.
– Quel est votre rôle une fois qu’une demande est formulée ?
Le médiateur va tout d’abord affiner la demande avec les commanditaires dans le but de rédiger un cahier des charges qui sera ensuite remis à l’artiste. Grâce à nos discussions, on arrive à élargir les propositions initiales. Par exemple, si la demande est « nous avons besoin d’un nouvel abri pour nos pêcheurs », elle pourrait devenir après discussions « notre abri conçu par un artiste nous permettrait de montrer que la pêche est une tradition encore vivante et vectrice de fierté pour notre communauté ». Ensuite le médiateur va proposer le nom d’un artiste en général reconnu, car le but est d’avoir des oeuvres de qualité, en tous les cas qui puissent être reconnues par les acteurs du monde de l’art. Après ces
échanges, l’artiste présente son projet, l’oeuvre est discutée et une fois que celle-ci fait l’unanimité parmi les commanditaires, on va démarcher les pouvoirs publics pour les autorisations et collecter les fonds.
– Etes-vous en concurrence avec les institutions chargées de la commande publique ?
Non, les Nouveaux Commanditaires sont complémentaires, ils répondent à des besoins différents. De leur part, on note beaucoup de curiosité et de bienveillance au contraire. Chez les Nouveaux Commanditaires, nous prenons la notion d’espace public au sens large du terme en incluant les relations sociales, les représentations identitaires et collectives, les traditions. La révolution que portent les Nouveaux Commanditaires, c’est de redonner à l’art une valeur d’usage en l’ancrant dans des enjeux qui concernent directement les citoyens.
– Comment êtes-vous perçus dans le public ?
Il y a beaucoup de curiosité mais aussi des malentendus, car les gens ont souvent une idée assez conventionnelle de l’art dans
l’espace public, il s’agit pour beaucoup d’une sculpture au milieu d’une place. Or, aujourd’hui l’art est souvent lié à de nouveaux
rituels, de nouveaux usages qui ne peuvent être pris en charge par les autorités publiques.
– Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?
Par exemple à Nyon, une nouvelle crèche va s’installer dans un bâtiment à proximité d’un parc. Notre groupe de commanditaires
est constitué des responsables de la crèche, des parents et des voisins. L’idée est de créer des oeuvres qui correspondent
aux usages de chacun mais aussi qui permettront de singulariser le lieu. ■