Interview d’Aurèle Jean Parriaux
Le sous-sol des villes est le dernier espace de liberté, la dernière ressource.
1. Le problème du stationnement des véhicules et celui de leur circulation, en ville, prennent des proportions de plus en plus incontrôlables. Le nombre de « pendulaires » ne cesse de croître. Le recours accru aux deux-roues entraîne la question de leur stationnement. Doit-on le rendre payant ? Et surtout, où l’installer, en surface ou en sous-sol ?
Mon avis de citoyen est que tout ce qui n’est pas esthétique devrait, de préférence, être remisé en sous-sol. Les voitures et les deux-roues stationnés sur la voie publique, ou les amas de vélos sur les trottoirs, ne sont pas particulièrement agréables à regarder. Si l’opportunité et les moyens manquent pour les installer sous la surface, la priorité est à donner au stationnement souterrain des voitures, puis des motos et scooters, les vélos pouvant demeurer à l’extérieur. Bien entendu, si les gens font l’effort de choisir la bicyclette, on ne doit pas leur faire payer son stationnement.
2. Pensez-vous qu’il existe à ce jour, dans nos villes et villages, suffisamment de places de stationnement, publiques ou privées, pour les voitures, les scooters ou motos, et les vélos ?
De façon générale, il y a assez de places disponibles. Mais si l’on veut développer l’usage du vélo, il faudra adapter l’infrastructure à cette fin.
3. Réformer un réseau de transport public − Genève en a fait l’expérience récemment − est très ardu. Est-il possible selon vous de repenser entièrement le schéma de stationnement d’une ville ou d’une agglomération ? Si oui, une solution ne pourrait-elle pas consister à « enterrer » la plupart des nuisances (circulation en tranchée couverte quand c’est possible, parcs de stationnement, voire centres commerciaux) pour embellir la ville et améliorer la qualité de vie en surface ?
Le programme de recherche Deep City, que je pilote, vise à mieux utiliser l’espace souterrain de nos villes. Certes, lorsqu’on bâtit un grand magasin, la première chose que l’on fait est de prévoir une lumière artificielle ; donc autant le concevoir en souterrain. Mais cela ne veut pas dire que nous proposions simplement de tout enterrer, ni que l’usage du sous-sol soit adapté partout à tous les objectifs, bien au contraire. Nous préconisons que les planificateurs et les responsables de l’aménagement urbain tiennent systématiquement compte du sous-sol et de ses propriétés. Ce n’est pas qu’une question d’espace, mais aussi de ressources. Trop souvent, l’approche du sous-sol est centrée sur un domaine, et on hypothèque le dernier espace de liberté, la dernière ressource de nos villes. Par exemple, on construira un parking sans imaginer un échangeur thermique. On ignorera telle ou telle nappe d’eau, telle ou telle possibilité ou impossibilité de rentabiliser le sous-sol. Nous travaillons concrètement, aussi bien en Chine qu’à Genève – par exemple pour les travaux du CEVA − ou ailleurs, pour aider les agglomérations à effectuer ce travail de rattrapage indispensable. Une (future) révision de la Loi sur l’aménagement du territoire, intégrant ces notions, sera aussi un levier d’action. Les urbanistes doivent absolument comprendre que le sous-sol n’est pas qu’un lieu de construction, mais aussi un lieu de ressources à respecter et à exploiter.
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