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Interview d’Angela Fleury

Dès que la thématique devient sérieuse, les femmes disparaissent des écrans radars.

Angela Fleury, Présidente d’egalite.ch et déléguée à l’égalité dans le canton du Jura

Les hommes et les femmes ne bénéficient pas du même traitement médiatique. Une étude menée par Global Media Monitoring Project indique qu’un quart seulement des personnes évoquées dans les médias sont des femmes. Face à cette discrimination, la Conférence romande egalite.ch, promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes, lançait en 2010 le prix Femmes et Médias. Décerné tous les 3 ans, celui-ci récompense les journalistes qui font avancer le débat sur l’égalité hommes-femmes. Angela Fleury explique ses tenants et aboutissants.

– Pourquoi avoir créé ce prix Femmes et Médias ?

– En 2010, une étude a montré que seul un quart des personnes invoquées dans les médias étaient des femmes. Une preuve évidente que celles-ci ne bénéficient pas du même traitement médiatique que les hommes. En observant les articles de presse, vous pouvez constater que les femmes apparaissent plus souvent dans la rubrique people que politique. En fait, dès que la thématique devient « sérieuse », les femmes disparaissent des écrans radars. Face à ce constat, la Conférence romande de l’égalité a décidé de créer un concours ayant pour objectif de récompenser les journalistes qui font avancer le débat sur l’égalité ou qui souhaitent en tout cas le prolonger.

– Pourquoi utiliser les médias pour promouvoir l’égalité ?

– Simplement parce que tout le monde est touché de près ou de loin par ces canaux. Mais ce prix pourrait être décliné dans d’autres domaines : une récompense sur les quotas de femmes dans les conseils d’administration, pour les chefs d’entreprise, etc.

– Avez-vous le sentiment que, depuis le lancement de ce prix, la discrimination dans les médias a diminué ?

– C’est difficile de répondre. Vous savez, c’est comme pour tout, si on ne fait rien, il ne se passe rien. Pour vous donner un exemple, on valorise dans le Jura les métiers techniques auprès des jeunes filles. Elles sont invitées à des journées découvertes de métiers typiquement masculins. On constate par la suite qu’elles sont nombreuses à faire des stages ou à s’inscrire dans des apprentissages en informatique, en polymécanique ou micromécanique. Si on ne mettait plus en place ce genre d’actions, ces inscriptions diminueraient. Il en va de même pour ce prix : le fait d’être présents tous les trois ans avec cette récompense permet de sensibiliser aux stéréotypes si bien ancrés dans la société. C’est un moyen pour nous de mettre en évidence la discrimination et de rappeler aux gens qu’il existe un traitement médiatique qui n’est pas égalitaire.

– Comment se situe-t-on en Suisse en termes de discrimination des femmes dans les médias ? Sommes-nous au-dessus ou au-dessous de la proportion mondiale ?

– Je ne connais pas les chiffres actuels, mais il est évident que nous sommes en retard par rapport à la France, par exemple. Il suffit de regarder la télévision française pour voir que, chez eux, les deux sexes sont bien représentés dans quasi tous les secteurs. Chez nous, certains domaines journalistiques comme le sport sont typiquement masculins, à quelques rares exceptions près. Tout comme il y a peu de débats, notamment du domaine politique, qui soient menés par des femmes. Il y a encore un gros travail à faire !

– Les hommes s’impliquent-ils dans le débat ?

– Il faut reconnaître que ce sont toujours les femmes qui montent au front et c’est assez gênant. Il en va de même quant à la question de l’égalité salariale. Pourtant, on ne peut pas parler d’égalité si les hommes ne sont pas parties prenantes de toutes les démarches. L’égalité n’est pas un sujet féminin, mais commun aux deux sexes. On travaille, par exemple, beaucoup dans le canton du Jura sur la problématique des violences conjugales. Mais nous ne possédons que des chiffres concernant les femmes violentées. Pourtant, je peux vous dire que, pour gérer une permanence, nous recevons également des hommes victimes de violences de leur compagne ou épouse. Les hommes ne sont pas prêts à se plaindre et encore moins à porter plainte auprès de la police. Bien que les femmes soient plus touchées par les stéréotypes, le combat pour l’égalité doit inévitablement se faire avec les hommes.

– Le chemin est donc encore long…

– Oui. Le jour où il n’y aura plus de bureau de l’égalité, on pourra dire que le problème est résolu ! Mais il faudra patienter encore un certain nombre d’années. En attendant, le prix Femmes et Médias engendre des répercussions positives. Et cela nous encourage à poursuivre cette démarche.

 

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