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Gare de Lausanne : l’enjeu national d’un réaménagement local

Dans le cadre du projet Léman 2030, le nœud ferroviaire de la capitale vaudoise va subir une transformation d’envergure. Un chantier qui profitera à la ville et au quartier, dont l’impact dépassera les frontières de l’Arc lémanique.

Prochain arrêt, Lausanne. Pendulaires ou simples voyageurs occasionnels, ils étaient 80 000 par jour à entendre l’annonce en 2014. A titre de comparaison, l’information a résonné dans les oreilles de 50 000 personnes au début des années 2000. Une augmentation qui n’est pas près de s’arrêter ces prochaines décennies, loin de là : les projections maximales estiment qu’il y aura 100 000 voyageurs qui circuleront quotidiennement entre Lausanne et Genève à l’horizon 2030. Une croissance qui donnerait presque le tournis et des frissons alors que les trains sont déjà bondés aux heures de pointe : « La hausse de la demande était prévisible, mais elle a été plus rapide qu’attendu », explique Florence Pictet, porte-parole de l’Office fédéral des transports (OFT). Ainsi a été élaboré le projet Léman 2030 pour améliorer le trafic ferroviaire dans la Métropole lémanique, c’est-à-dire l’ensemble géographique situé entre Genève et la capitale vaudoise.

Une économie dépendante de la gare

Le budget alloué par la Confédération à ces vastes travaux qui s’étendent jusqu’en 2025 avoisine les 3 milliards de francs. Mais le gros ouvrage se concentre sur la gare de Lausanne, dénommé Pôle Gare dans le cadre de Léman 2030, l’un des plus grands nœuds ferroviaires de Suisse. Le réaménagement des lieux va coûter à lui seul près d’un milliard de francs, et la Confédération en a fait une priorité nationale en 2009. A l’OFT, le but est clair et Florence Pictet le confirme : « Il y a un besoin de rattrapage manifeste. » En effet, la gare de Lausanne pose aujourd’hui un problème en termes de capacités. Sont prévus notamment l’allongement des quais et leur élargissement, afin de pouvoir accueillir des trains de 400 mètres de long pouvant transporter plus de passagers : « Il s’agit de répondre à cette demande de mobilité en forte hausse pour garantir la prospérité économique de la Métropole lémanique. Si les gens et les marchandises ne peuvent plus se déplacer entre Lausanne et Genève, l’économie ne peut plus fonctionner », relève Nuria Gorrite, conseillère d’Etat vaudoise, cheffe du Département des infrastructures et des ressources humaines. Pour Lausanne donc, il ne s’agit pas uniquement d’une rénovation à but esthétique, mais bien avec des enjeux économiques importants. Nathalie Luyet, nommée cheffe de projet du Pôle Gare pour la Ville, et qui a déjà notamment travaillé sur le chantier du CEVA, analyse l’importance du lieu : « La création ou la modification d’une gare est un facteur de déclenchement du développement urbain. La gare est aujourd’hui devenue une porte d’entrée de nos agglomérations. » Si les retombées financières sont difficilement estimables, la nouvelle infrastructure ferroviaire permettra également d’améliorer le réseau régional des RER. De Vallorbe à Villeneuve, ou de Palézieux à Gland, les villes périphériques profiteront aussi des changements : « Avec bientôt un train tous les quarts d’heure, il sera possible de rejoindre l’agglomération lausannoise. Il est évident que cette infrastructure contribuera fortement au désenclavement de certaines régions », prévoit Nathalie Luyet. Et bien sûr, les Lausannois profiteront aussi des améliorations pour se rendre dans les régions périphériques.

La hausse de la demande était prévisible, mais elle a été plus rapide qu’attendu.

Des avantages aussi pour le quartier

Urbaniste de formation, la cheffe du projet Pôle Gare observe une mutation : « Les gares ne sont plus uniquement des lieux de transbordement, elles sont également de plus en plus des lieux de vie qui accueillent des services et des commerces destinés à leurs usagers comme à ceux des quartiers. » Et celle de Lausanne va aussi connaître un changement dans sa structure sous-voies : plus de magasins, plus d’espace. L’élu municipal Olivier Français, directeur des Travaux à la Ville, raconte : « A contrario des grandes villes suisses, la gare de Lausanne n’a pas subi de mutation depuis le début du XXe siècle. Par conséquent, elle est un peu obsolète et on s’y sent à l’étroit. » Pour une circulation plus agréable, il n’y aura plus deux, mais trois galeries traversant la gare du nord au sud, avec un réaménagement du côté de la rue du Simplon, avec des espaces publics en prime, le tout pour offrir une meilleure qualité de vie aux habitants du quartier Sous-Gare. En prévision du futur métro M3, les plans sont déjà pensés en amont pour accueillir le nouveau moyen de transport. Il devrait relier le quartier de la Blécherette, proche de l’autoroute. Cela peut avoir son importance, car si la gare va changer de visage, les quartiers avoisinants aussi. La Rasude et les Epinettes, est et ouest, seront aussi l’objet de travaux. Et cet ensemble fait déjà rêver Olivier Français : « Les quartiers mitoyens à la gare se trouveront dans un emplacement très bien connecté aux réseaux de transports. Ainsi, un quartier comme la Rasude voit réunies des conditions idéales pour des entreprises d’envergure, voire multinationales avec un aéroport international à trente-cinq minutes de là. Par conséquent, je pense que Lausanne augmentera sa capacité d’accueil pour de telles entreprises, avec les retombées économiques qui en découlent. »

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L’entrée sud de la gare changera entièrement de visage. L’espace sera plus ouvert qu’aujourd’hui, des boutiques feront leur apparition, et la rue du Simplon devrait également devenir piétonne pour un espace public plus agréable.

Une gare à la portée nationale

L’enjeu est majeur, aussi pour la Métropole lémanique. Economiquement, elle se classe au deuxième rang, juste après Zurich. Pour Nuria Gorrite, la ligne Lausanne-Genève est essentielle à son essor : « Il s’agit de notre unique lien ferroviaire, nous ne pouvons pas prendre le risque qu’il rompe. La Métropole lémanique est déjà une réalité, et améliorer ses transports c’est la renforcer. » Si ce grand chantier du Pôle Gare, qui doit débuter en 2017 pour une fin des travaux prévue en 2025, réjouit tous les acteurs impliqués, c’est que le nœud lausannois représente aussi un enjeu national. Par la ville passent notamment les grandes lignes majeures que sont celles du Simplon et celle de Berne : « Sans l’allongement des quais et une quatrième voie jusqu’à Renens, c’est l’ensemble du réseau national des CFF qui est menacé d’asphyxie », appuie Nuria Gorrite. La gare de Lausanne, en résumé, fait partie d’un jeu de dominos, auquel il manquerait une pièce pour que le mouvement puisse continuer d’évoluer sans encombre. Une fois replacée et réaménagée, la partie sera plus fluide, et ce n’est pas seulement une ville qui en profitera, mais, par ricochet, l’ensemble du pays.

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Société Urbanisme