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En Afrique, les e-déchets occidentaux font des désastres

Exporter ses déchets en Afrique coûte moins cher que de les traiter chez soi mais n’est pas sans conséquences pour les populations et l’environnement.

Difficile d’y croire. Près d’Accra, la capitale du Ghana, s’empilent des tonnes de déchets dans la décharge en plein air d’Agbogblo-shie, la plus grande poubelle électronique du monde. Ordina-teurs, smartphones, imprimantes, machines à laver… tous pro-viennent de pays développés pour lesquels exporter en Afrique coûte moins cher que de traiter les déchets eux-mêmes. Chaque année, il en arrive en moyenne 40’000 tonnes et, sur place, ces montagnes de détritus font des ravages, car les métaux lourds et produits chimiques contenus dans les objets polluent. Une étude de Greenpeace a retrouvé de l’arsenic, du plomb, du mercure ou encore des phtalates dans l’eau, l’air et les sols des environs, à tel point que plus rien n’y pousse. En vingt ans, Agbogbloshie est devenu l’un des dix lieux les plus pollués du monde, selon l’ONG suisse Greencross et l’institut américain Pure Earth.

Pourtant, des centaines de Ghanéens, y compris des enfants, travaillent quotidiennement à la décharge. Ils démantèlent un à un les composants des appareils pour ne garder que les métaux. Leur salaire est l’équivalent de 2 francs suisses par jour, au prix de leur vie : « Ils ont des problèmes de santé, souvent pulmo-naires, pas de protection ou d’assurance, racontait ce travailleur au micro de RFI, quand ils se blessent, certains mettent de la terre dans la plaie ou de l’acide des batteries de voiture pour arrêter le sang. Parfois leurs blessures s’infectent, parfois ils survivent. “Ces Ghanéens ont souvent la même histoire : venus des campagnes pour chercher du travail à la capitale, ils n’en ont pas trouvé et ont commencé à travailler à la décharge. Pour beaucoup, ils ne la quitteront pas tant que leur corps leur permettra de continuer.

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Muntaka Chasant. Les déchets qui n'ont plus de composants recyclables sont brûlés
Muntaka Chasant. Les déchets qui n'ont plus de composants recyclables sont brûlés

Des conséquences sanitaires dramatiques

Ces déchets ont aussi des effets sur les habitants d’Accra. La fumée liée à l’embrasement des objets se dépose sur les fruits et légumes du marché à proximité. Lorsqu’il pleut, des liquides pol-luants et objets sont drainés jusqu’à la mer non loin. Régulière-ment, les pêcheurs y remontent à la surface des télévisions ou des ordinateurs. Les habitants d’Accra ont aussi des pathologies que les médecins n’avaient pas observées depuis plusieurs dizaines d’années et développent des cancers souvent dépistés très tard. Maladies respiratoires et démangeaisons sont monnaie courante dans cette région pauvre en moyens médicaux. Mal-heureusement, le Ghana n’a pas mené d’étude pour observer les conséquences sanitaires de la décharge d’Agbogbloshie. À ce jour, celle de Greenpeace est la plus complète. Pourtant, elle précise ne pas être en mesure de faire le lien entre contamina-tion et pathologie. Des avancées vont être faites en la matière puisque l’École de santé publique de l’Université d’Accra a lancé une vaste étude en 2017, en collaboration avec des universités canadienne et américaine. Une première découverte a été faite : celle de la présence de métaux lourds dans le lait maternel. Comment a-t-on pu en arriver là malgré les législations en place ? En effet, la Convention de Bâle proscrit depuis 1989 l’exportation de ces matériaux et l’Union européenne interdit à ses États
membres d’exporter des déchets, qu’ils soient dangereux ou non. Dans les faits, les contrôles ne sont pas assez stricts et les sanctions visiblement pas assez sévères. Pire encore, le journaliste ghanéen Mike Anane racontait à Bastamag que les pays européens faisaient passer les exports de déchets électro-niques pour des dons d’équipements usagers. Et le problème ne risque pas de s’améliorer de sitôt puisque la Chine, qui importait de nombreux déchets, les refuse désormais. La consommation d’appareils électroniques, quant à elle, continue d’augmenter tandis que l’obsolescence programmée limite leur durée d’utilisation.

En Égypte, le recyclage des e-déchets est en plein essor

L’Égypte observe directement les conséquences de ce mode de consommation puisqu’elle est le pays africain possédant le plus gros stock de déchets électroniques : 11% en 2017, selon le rapport du Global E-waste Monitor. Elle manque aussi d’infrastructures pour recycler ces appareils usagés, mais voit plutôt ce problème comme une opportunité. Plusieurs entreprises, comme RecycloBekia, s’attachent à améliorer le recyclage de ces déchets. En 2018, il en existait quatre rien que dans la ville du Caire, selon le média Afrik 21. Le gouvernement égyptien a lui-même développé un partenariat avec l’entreprise suisse Sustainable Recycling Industries qui l’aide à mettre en œuvre des normes, comme le fait de séparer les appareils électroniques des autres détritus pour faciliter le tri.