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Au Japon, le débat prend corps, timidement

La presse écrite japonaise est l’une des plus puissantes au monde.

L’archipel compte cinq grands journaux nationaux quotidiens : le Yomiuri Shimbun (droite) qui vend le plus au monde avec un tirage quotidien de 10 millions d’exemplaires, le Asahi Shimbun (gauche), le Mainichi Shimbun (gauche), le Tokyo Shimbun (gauche) et le Sankei Shimbun, le plus conservateur (extrême droite). S’ajoutent le Nihon Keizai Shimbun (centre), du groupe spécialisé en actualités économiques qui a racheté le Financial Times en 2015, ainsi que deux titres basés dans l’archipel d’Okinawa (extrême gauche). Soutenus par un lectorat solide et fidèle, ces journaux jouissent de taux d’abonnement très élevés puisqu’ils caracolent à près de 80%. Mais comme dans le reste du monde, le lectorat est vieillissant avec plus de 70% des abonnés âgés de 65 ans et plus, ce qui a entraîné une baisse de 20% d’exemplaires distribués ces dix dernières années.

Au niveau du contenu, «pendant longtemps, le travail des journalistes japonais, salariés de ces grands titres, consistait davantage à communiquer et à faire circuler des faits, sans vraies analyses», explique Kiyotaka Akasaka, président du Centre de presse étrangère japonais et ancien secrétaire du département Communication à l’ONU. « Les journalistes ne donnaient pas leurs opinions. Depuis une trentaine d’années, on assiste à un vrai changement, notamment dans les titres comme le Asahi ou le Mainichi. Le Yomiuri est pro gouvernement.» Dans les actualités, les Japonais s’intéressent essentiellement à la politique intérieure, aux phénomènes de catastrophes naturelles dans le monde, aux faits divers mais aussi à l’information internationale «lorsque cette dernière touche directement le pays comme celle de la Chine ou de la Corée du Nord». Récemment, de nombreuses critiques ont été exprimées à l’égard de la liberté de la presse au Japon. Des pressions seraient exercées de la part du Gouvernement de Shinzō Abe, en place depuis 2012. Pour ces raisons, le Japon ne cesse de dégringoler dans le classement mondial de la liberté de la presse, dressé par Reporters sans frontières (72e sur 180). «Les journalistes des grands titres sont assignés à une personnalité politique, précise Kiyotaka Akasaka. Ils doivent tout connaître sur ce dernier… Ces correspondants spéciaux deviennent des proches, ils ont même des bureaux dans les ministères. Ils apprennent forcément des choses qu’ils ne peuvent parfois pas publier pour le bien de cette relation.»

La presse hebdomadaire est plus indépendante et joue davantage un rôle de contre-pouvoir dans le panorama médiatique japonais. Moins prestigieuse, elle est plus libre et peut sortir des sujets plus sensibles. «Ils font néanmoins leurs choux gras de la vie privée des gens, regrette Kiyotaka Akasaka. Mais des scandales financiers révélés par cette presse ont déjà mené à la démission de personnalités politiques. On dit aussi que certains journalistes, accrédités dans les grands titres nationaux, écrivent anonymement dans la presse hebdomadaire pour révéler des histoires.» L’un des hebdomadaires les plus connus est le Shukan Shincho, fondé en 1956, qui n’est affilié à aucun groupe de presse. Contrairement aux quotidiens, les hebdomadaires n’ont pas accès aux «kisha-clubs» des ministères, sortes de clubs de presse privés. Autre point qui suscite l’ire de Reporters sans frontières.

Hormis les bulletins d’information diffusés sur la chaîne publique NHK et quelques émissions proposées à des horaires tardifs, l’actualité est peu présente sur le petit écran japonais. Lorsqu’on veut s’informer, on se tourne vers la presse écrite ou Internet. Les jeunes s’informent davantage sur ce dernier média et consultent les sites Web des grands titres de presse (34%) mais aussi et surtout Yahoo News (72,5%) ou Line News qui produisent leurs propres contenus. Là encore, au même titre que les hebdomadaires, le ton est plus libre. En revanche, « sur Internet, on lit un sujet qui nous intéresse et c’est tout, remarque Kiyotaka Akasaka. Ce n’est pas comme lorsqu’on ouvre une page de journal et que l’on découvre tout un tas de sujets dont on n’avait pas connaissance. » Les Japonais aiment beaucoup commenter en ligne les actualités ; pour cette raison, ils sont aussi de grands utilisateurs de Twitter ( plus que Facebook ). Autre média, cette fois développé uniquement au Japon : 2channel, qui est un forum où les internautes sont invités à discuter sur un sujet d’actualité qu’ils ont sélectionné au préalable.

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