Vidéo mapping, l’art de l’illusion

Après les graffitis, c’est au vidéo mapping d’investir l’espace urbain. De simples murs d’immeubles, de musées ou autres façades classées servent de terrain de jeu à cet art numérique éphémère. Genève, Lausanne, Berne ou Neuchâtel ont d’ores et déjà inspiré ces nouveaux maîtres de la lumière.

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Vidéo mapping. Le Palais Eynard semble s’écrouler sous le poids des eaux.

Le mapper est un animal nocturne. A la tombée de la nuit, il dévoile aux spectateurs l’étendue de ses talents, un mix entre art et technique. Sa performance visuelle autant que sonore intervient directement dans l’espace public après un long travail de maturation. « Un bon vidéo mapping se peaufine en une vingtaine d’étapes, raconte Mika Ventura, mapper, directeur et fondateur du Studio Corium avec sa comparse Catherine Baroni. D’abord, quelques étapes très techniques qui consistent à recueillir toutes les mesures du bâtiment sur lequel nous allons projeter les images, afin de le reconstruire en 3D sur l’écran d’ordinateur. On s’aide de la photographie ou plus simplement d’un scan laser. Vient ensuite toute la réalisation du film, avec la création du scénario, la production du film et le mixage du son. Le jour J, conclut Mika, l’étape laborieuse du calage consiste à positionner parfaitement les images sur l’édifice et l’installation du matériel technique. A la nuit tombée… place au show ! »

Une alchimie son et lumière

Les images sont diffusées sur les murs grâce à des projecteurs très puissants, les mêmes que ceux utilisés au cinéma. Un matériel indispensable mais au coût élevé. Du coup, quand cela est possible les mappers n’hésitent pas à « bidouiller » leur installation ou à créer leur outil pour réduire les frais et s’adapter aux besoins. Ainsi, des logiciels spécifiques, tel le précurseur Modul8 ou le plus récent Madmapper offrant pléthore d’effets visuels sont entièrement « made in Switzerland ». Ils permettent de déformer en amont l’image afin qu’elle épouse à la perfection les volumes existants. Cette alchimie entre code informatique et pure création donne naissance à des jeux d’illusions d’optique scandées par une bande-son sur mesure parfois produite en direct par un DJ. Leurrée, la rétine du spectateur croit voir le bâtiment s’étirer, se tordre, s’écrouler avant que les fenêtres n’explosent sous la force de l’eau virtuelle. « Ces animations, très « mainstream », remportent toujours un franc succès, raconte Catherine Baroni, mais nous pouvons aussi intervenir en temps réel comme dans un jeu vidéo, en modifiant les couleurs par exemple. »

Cette alchimie donne naissance à des jeux d’illusions d’optique scandées par une bande-son sur mesure.

Donner à voir, écouter et ressentir

Cet art numérique connaît un réel engouement et la Suisse romande recèle un vrai vivier de créatifs pluridisciplinaires tels Matthias Grau, Mika Ventura, Boris Edelstein, Adrien Boulanger, Quentin Berthet ou Benjamin Muzzin qui performent à l’international. Beaucoup sortent de la HEAD ou de l’ECAL, quand d’autres sont autodidactes, des bidouilleurs de pixels et de lignes de codes. Une fois par an, en avril, ils se retrouvent au Mapping Festival, né en 2005. « Cette manifestation a été créée comme un lieu de rencontres et d’échange entre artistes et un public de professionnels et d’amateurs, explique Ana Ascensio, directrice de la programmation. Chaque année, on peut assister aux performances de Vjing (performance DJ/scénographie lumineuse) ou de vidéos mapping, suivre des conférences ou faire ses premiers pas en participant à des workshops. Evénement incontournable pour les fans d’images en mouvement, le festival a séduit 12 000 visiteurs lors des dernières éditions », se targue Ana. Dès avril 2016, il retrouvera ses quartiers au Commun du Bâtiment d’art contemporain et au Zoo, annexe de l’Usine pour révéler de nouveaux talents. En Suisse, plusieurs villes ont déjà succombé à ces spectacles son et lumière version 3D. A Genève, à l’occasion de la fête des écoles, le Studio Corium a recouvert le palais Eynard d’une végétation tropicale pour abriter singes et oiseaux colorés. A Lausanne, la société Dufour spectacle et images a utilisé le Palais de la Riponne pour célébrer le centenaire de la présence du CIO. A Berne, le Palais fédéral sert de décor depuis cinq ans à l’entreprise zurichoise Starlight Events. Cette année, la collaboration
avec le collectif d’artistes « projektil » s’est faite autour de l’histoire du Cervin. La société planche d’ores et déjà sur son prochain scenario, et le mapping pourrait bien être encore de la partie.

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Patrimoine Urbanisme