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Un musée de l’eau sur les hauts de Lausanne

Un parking d’échange coiffé d’un hôtel trois étoiles et d’un musée de l’eau douce. La première pierre de cet étonnant programme, situé à l’entrée nord de Lausanne, a été posée ce printemps. Récit d’un projet qui ne manque pas d’air.

Là-haut, tout au nord de la ville, s’accroche le M2, le métro qui traverse Lausanne des rives d’Ouchy à l’autoroute. Pour favoriser l’utilisation de cette nouvelle infrastructure de transport urbain, les autorités ont décidé d’y amarrer un P+R, ces parkings d’échange qui permettent aux usagers de troquer leur voiture pour un siège dans les transports publics, le temps de leur séjour au centre-ville. Il comptera 1200 places et sera érigé à la verticale de la gare de métro, station de Vennes. Mais le site, étranglé par les bretelles routières et autoroutières, n’est pas digne d’une entrée de ville. Les autorités décident alors de lancer un concours à double vocation : équiper le secteur d’un P+R, mais aussi, dans la foulée, requalifier la porte septentrionale de Lausanne avec une infrastructure à la fois adaptée au lieu et innovante. Avec entre autres ses partenaires du Groupe Grisoni-Zaugg, entreprise générale, le bureau d’architecture lausannois Richter et Dahl Rocha, l’un des plus importants de Suisse romande, l’emporte avec une proposition étonnante. Le projet aujourd’hui est en plein chantier. Il se présente en trois morceaux.

Le vrai défi se déroule surtout sur le ‹ toit › du parking, où sera installé un musée de l’eau douce, avec aquariums.

Le socle : un parking d’échange semi-enterré

Le concours d’idées a eu lieu en 2004. En 2009, le parking d’échange, qui en constitue la première phase, est achevé, quelques mois après la mise en service du métro (octobre 2008). Sa particularité : l’infrastructure, semi-enterrée, épouse très exacte-ment la forme aux angles arrondis de la parcelle et se trouve ainsi enserrée par la route qui lui tourne littéralement autour. En sens unique et dans le sens des aiguilles d’une montre.

Partiellement insérés dans la pente, les trois niveaux du parking bénéficient au maximum de la lumière naturelle côté autoroute et rue de Valmont, tout en restant invisibles de la route de Berne. Une grille de lames d’acier verticales en signale la présence par des couleurs moirées, changeant au fil de la journée. « Un simple traitement de sur-face, bon marché et qui ne manque pas d’allure », souligne Jacques Richter, qui porte ce projet depuis ses tout débuts. Les contraintes techniques ? « L’intégration de la gare du M2, l’accès au centre d’entretien de celui-ci avec passage d’un tunnel sous le parking, et un important nœud routier tout autour. Et le projet de plusieurs aquariums à poser sur la dalle supérieure ! »

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Espace sous le Léman

La rotonde : un musée de l’eau douce

Car le vrai défi se déroule surtout sur le « toit » du parking, une galette de 12 000 m2. Le projet d’un musée de l’eau douce, avec aquariums, mûrissait depuis plusieurs années dans les têtes des biologistes français Morgane Labous et Frédéric Pitaval, et du muséologue suisse Michel Etter. Et leur idée, portée par la suite par la fondation AquaEcopôle, s’insère parfaitement dans le programme très ouvert du concours. « Il fallait imaginer ici une activité qui génère une utilisation minimale du P+R, ce qui excluait un centre commercial. Un équipement culturel, à savoir un musée, s’est révélé compatible. Installé dans une rotonde à la fois opaque et évoquant la transparence de l’eau (la matérialité de la façade est encore à l’étude), le musée comptera plusieurs bassins et aquariums, que les visiteurs découvriront sous toutes leurs facettes. En premier lieu au fil d’un parcours évoquant le Rhône, de sa source alpine à son delta camarguais. Puis, au deuxième étage, par un chapelet de bassins de différentes tailles présentant des milieux plus exotiques, mais toujours d’eau douce. « L’intérieur est en cours de planification, en collaboration avec plusieurs experts, notamment des aquariums français de La Rochelle et espagnol de Barcelone. Nos séances de travail sont très diversifiées ! Sur le plan statique, nous avons dû tenir compte du poids de l’eau dès la conception du parking : il a fallu compter à certains endroits sur des structures pouvant soutenir 7 tonnes par mètre carré, soit vingt fois plus que d’ordinaire. Autant dire qu’on ne peut plus à ce stade changer l’implantation d’un bassin. » A noter que le musée sera doté d’une grande pièce d’eau extérieure et d’un espace semi-public, avec terrasse et restaurant. Le tout sera inauguré en automne 2015.

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Espace Camargue

Le L : un hôtel trois-étoiles

Mais un an avant le musée, en automne 2014, ouvrira l’hôtel du centre désormais baptisé « Aquatis », aquarium & musée suisse de l’eau, Hôtel*** & centre de conférences. « Un trois-étoiles, explique Jacques Richter, la catégorie qui fait justement défaut sur le marché lausannois. Une étude de marché menée par une haute école de tourisme a identifié une clientèle d’affaires, en quête de chambres durant la semaine. Les familles, qui séjournent plutôt le week-end et en période de vacances, seront intéressées à la fois par la catégorie de l’établissement, abordable, et son lien direct avec le musée et le centre-ville. »

D’un coût total de 80 millions de francs (30 pour le parking, 50 pour Aquatis), l’opération a bénéficié d’un financement mixte privé/public. La maîtrise d’ouvrage du parking a été assurée par la Ville de Lausanne et les Transports lausannois, sur une parcelle appartenant à la ville. Les investisseurs privés, qui sont aussi les promoteurs d’Aquatis (le montage financier faisait aussi partie du concours d’idées), jouissent d’un droit de superficie. Quant au calendrier, il ne devrait plus y avoir d’éléments ralentisseurs comme ceux qui ont marqué les deux phases de réalisation : la double opposition, perdue, d’un recourant, au Tribunal administratif, puis au Tribunal fédéral, a en effet généré « quelque 30 mois de retard et près d’un million de francs de perte financière, estime Jacques Richter. Ces frais sont en partie à charge de la collectivité », rappelle non sans amertume l’architecte. Un temps mis à profit pour peaufiner le travail de préparation à l’exécution, désormais sur les rails.

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Espace forêt inondée d’Amazonie.