Une semaine pour améliorer le confort de la ville de Genève
Pour la troisième fois, des étudiants en paysage et en architecture se sont mis en chasse de lieux délaissés pour en proposer le réaménagement. Récit jour par jour d’un atelier contre la montre organisé par la SPG et l’Hepia, la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève.
Mission du lundi, jour 1 : proposer un concept apte à changer l’allure, la fonction et surtout la perception du site choisi.
Lundi 30 janvier 2012 : défricher
Certains lieux de Genève dorment. Les passants les traversent sans les voir. D’autres ne fonctionnent pas ou plus. Quels sont-ils ? Les étudiants de l’Hepia, organisés en tandems architecte-paysagiste et architecte, se sont mis en quête de ces sites à « Voir et revoir », selon le titre de cet atelier court, proposé en fin de troisième semestre par l’Hepia et la SPG. Pour cette troisième édition, ils ont déniché quatorze lieux d’intervention, avant même le début de l’atelier qui dure cinq jours, pas un de plus. Leur mission du lundi, jour 1 : proposer un concept apte à changer l’allure, la fonction et surtout la perception du site choisi. « Améliorer le confort de la ville », selon l’exergue de Thierry Barbier-Mueller, patron de la SPG et initiateur de ce partenariat public/privé.
Mardi 31 janvier 2012 : tester
Les propositions des étudiants peuvent être utopiques ou réalistes, peu importe. Pourvu que les tandems n’en démordent pas en cours de route. D’ailleurs les enseignants qui les coachent les y engagent fermement : un changement de projet en jour 2, dans un délai imparti si court, n’est simplement pas envisageable. Esquisses, maquettes, simulations, recherches de matériaux, tous les moyens sont mis en œuvre pour tester, explorer, creuser le concept retenu la veille par chaque équipe. Effervescence dans les ateliers des filières participantes, à la rue de la Prairie.
Mercredi 1er février 2012 : présenter et adapter
Présentation rapide aux enseignants, sous la forme d’un jury restreint. Les propositions sont critiquées, parfois un peu réorientées. Tous les participants à l’atelier sont présents lors de ce premier rendu. Les équipes se remettent à l’ouvrage pour « caler » leur idée.
Il faut choisir la meilleure esquisse, le dessin le plus parlant pour communiquer son idée.
Jeudi 2 février 2012 : communiquer
A la veille du jury final, c’est l’heure de trier. Moment difficile. Déjà, du matériau s’est accumulé, tout ne pourra pas être dit, montré, expliqué. Il faut choisir la meilleure esquisse, le dessin le plus parlant pour communiquer son idée. Organiser son discours, sur les planches de présentation au format poster A1, mais aussi son « speech » devant le jury. Communiquer son idée tout en restant conscient de ses inévitables défauts. Faire preuve d’enthousiasme humble, en somme.
Vendredi 3 février 2012 : présenter
Jour du jury. Les étudiants et les enseignants accusent un peu de fatigue. Les autres, professionnels de l’urbanisme, du paysage et de l’architecture et membres de la direction de la SPG, s’enthousiasment face à la diversité des propositions. Quatorze en tout, cette année, contre neuf l’an dernier. L’atelier « Voir et revoir – Scénographies urbaines » marche bien et plaît aux étudiants. L’après-midi, le jury se réunit en vase clos, dans une salle vitrée, adjacente aux ateliers de projets. Les maquettes des quatorze projets sont disposées sur les tables. Premier tour. Discussions, éliminations. Marquer les empreintes des milliers de piétons qui traversent la nouvelle place Bel-Air, point de convergence de tous les trams du canton de Genève ? L’idée révèle le caractère « monstrueux » du lieu, mais n’apporte pas d’amélioration. « Malheureusement », souligne un membre du jury. Un salon de thé à la tour de Champel, cette fausse ruine qui a perdu de sa superbe ? Cela plairait aux dames du beau quartier, mais est-ce suffisant ? Un trompe-l’œil à la terrasse Agrippa-d’Aubigné, sous la cathédrale ? Une démarche trop orientée « touristes », plus arty qu’aménagiste – ce n’est pas tout à fait l’objet du concours. Des critères émergent : le jury ne veut pas de projet « décoratif », ni d’intervention façon art contemporain ; il veut des choix de sites originaux et trouve que, de ce point de vue, les interventions sur l’eau sont toujours un peu… bateau. Une question guide les délibérations : quelle proposition donne une réelle seconde chance au lieu qu’elle veut transformer ? Pas cette rivière rose dans le quartier des Grottes. Et si le projet de rénovation de la cour de l’Hepia, sur le lieu même de son élaboration, était le plus porteur ? La plus sérieuse des propositions, peut-être même celle qui pourrait un jour être réalisée ? Le jury choisit ce projet bien ficelé à l’unanimité.
Mardi 22 mai 2012 : primer
Trois mois plus tard, rendez-vous est donné aux équipes lauréates dans les locaux de la SPG, au siège de la route de Chêne. Tous les cadres de la régie sont là, ainsi que la direction de l’Hepia, des représentants des autorités communales et cantonales. Thierry Barbier-Mueller annonce la création d’une page sur Facebook et la publication d’un ouvrage regroupant l’ensemble des propositions faites lors des trois éditions de « Voir et revoir ». Il y en aura d’autres, car ce partenariat fonctionne bien, ajoute le patron de la SPG. Le directeur de l’Hepia, Yves Leuzinger, s’avance en déclarant que l’aménagement lauréat 2012 « pourrait bien être réalisé un jour », car le site de l’école a besoin d’être revalorisé. Il reste à trouver des partenaires. Et attendre que l’avenir du site soit scellé, des déménagements n’étant pas exclus. L’architecte cantonal Francesco Della Casa évoque les parentés de la démarche avec « Lausanne Jardins ». Cette manifestation quadriennale a aussi pour mérite de révéler les qualités de sites banalisés ou ignorés, de modifier la perception de lieux communs. Parfois même de préparer au changement. « Mettre des jardins où ils ne sont pas », selon le thème d’un éventuel « Genève Jardins », qui pourrait avoir lieu en 2014.