The Correspondent : l’antidote de la presse du quotidien
Décrypter l’actualité sous un autre angle est l’objectif du Correspondent depuis 2013. Ce site d’information néerlandais, né grâce à une collecte financière, se concentre sur les fondements de l’actualité, en refusant les couvertures et gros titres d’un seul jour. Le modèle, qui rencontre un franc succès aux Pays-Bas, associe membres et journalistes, créant une source d’information décuplée. Un média du XXIe siècle ?
Une participation record pour le lancement du site et douze principes affichés comme signes de différence
1,4 million d’euros investis par 20 000 fervents participants ont rapidement posé les bases de cette plateforme de journalisme, forte aujourd’hui de 60 000 membres. «Quand nous avons commencé, nous figurions parmi les rares médias privés soutenus par ses utilisateurs et ne bénéficiant d’aucune publicité», se souvient Maaike Goslinga, l’éditrice internationale. «Mais nous remarquons maintenant un mouvement global vers ce modèle d’adhésion.» Un modèle aux principes détaillés qui guident toutes les décisions éditoriales et commerciales.
«Ne pas écrire sur le temps qu’il fait, mais sur le climat», pourrait résumer les fondations du Correspondent. S’éloigner des clichés, des stéréotypes, observer une stricte vérification des faits, réinvestir les bénéfices au profit du journalisme, privilégier une ouverture subjective et un journalisme constructif. The Correspondent s’engage aussi à mettre en présence des journalistes et des membres dont la diversité donne une vision honnête de la société dans laquelle nous vivons. Une stratégie et une rigueur éditoriale efficaces : dès le lancement du site, les membres n’ont pas hésité à s’inscrire, malgré une présence accrue de journaux d’information dans le pays.
Ne pas écrire sur le temps qu’il fait, mais sur le climat.
Les mêmes domaines d’investigation pour un traitement différent ?
Soudainement, The Correspondent ouvrait de nouvelles portes intéressantes sur des thèmes encore peu abordés par la presse néerlandaise. Certains articles prennent même un tour politique, en s’interrogeant par exemple sur la manière dont les foyers endettés sont traités ou sur l’attitude abusive des bureaux chargés du recouvrement : pour le site journalistique, ils augmentent le problème au lieu de le résoudre. « Si je suis passionnée par un sujet particulier, j’ai la possibilité de voir facilement tout ce qui est publié dessus », explique M. J. Grotenhuis, femme politique à la retraite active. « À mon avis, cet accès à l’information est beaucoup plus facile que sur les sites des journaux traditionnels. » Elle apprécie aussi de pouvoir interagir facilement, en postant des commentaires et en lisant d’autres contributions.
Ce professeur de droit, lui, possède un abonnement au NRC digital comme journal du quotidien mais suit The Correspondent pour « son objectivité et son indépendance totale ». Les membres sont reconnus et accueillis comme individuels, non comme un groupe ciblé. « Nous les impliquons au sein de notre action », raconte Maaike Goslinga. « Les correspondants partagent leurs idées, encouragent les commentaires et tiennent les membres au courant de leurs recherches grâce à des bulletins d’information, des notifications. Ils utilisent leur expertise et leur expérience pour améliorer leur travail journalistique. »
Une indépendance précieuse dans l’information
Même si The Correspondent est parfois considéré comme du journalisme d’opinion (notamment par des membres du VVD, le parti de centre droit), sa qualité éditoriale n’est jamais remise en question. On le compare même, en plus jeune, au grand hebdomadaire indépendant, De Groene Amsterdammer, un média influent datant de 1877. « Les articles du Correspondent sont plus longs que dans les journaux traditionnels, analyse Andréa K., professeur de français, ils ont aussi un caractère plus philosophique. » The Correspondent est l’une des meilleures sources utilisées pour ses cours par son collègue en sciences politiques. Selon Laurent C., les articles sont fouillés, avec des graphiques, des arguments clairs et une longueur suffisante. « Je pense qu’ils réussissent là où nu.nl (site d’actualités lancé en 1999) a échoué : The Correspondent attire un public jeune et éduqué explique-t-il, mais je ne sais pas s’ils s’en sortent économiquement. »
En tout cas, toutes les prévisions semblent le prouver. Le site d’information veut s’étendre au monde anglophone. Maaike Goslinga et son équipe travaillent avec Jay Rosen, de l’Université de New York, pour présenter ce modèle de journalisme aux États-Unis et ailleurs. Dans cinq ans, deux nouveaux sites Web, dont l’un entièrement en anglais, verront le jour.
Société