L’architecture « verte », un effet de mode ?

Bien sûr, le sujet est « tendance » et les labels verts de toutes sortes sont souvent de crédibilité variable. Les occupants déçus de bâtiments prétendument exemplaires sur le plan environnemental ou énergétique ne manquent pas. Est-ce une raison pour ne pas s’intéresser au sujet ou pour ne pas saluer – au-delà de motivations économiques forcément présentes – l’émergence d’une prise de conscience et d’une ambition nouvelles, de la nécessité de réduire notre empreinte environnementale et de rendre le bâti plus attrayant et humain ?

L’enjeu est incontestable, puisqu’il est estimé que la construction de bâtiments sous toutes ses formes dans le monde mobilise plus de la moitié des ressources globales de notre planète 1. Il est en tout cas fascinant de constater que cette « vague verte » se manifeste dans le monde entier, avec de vraies réussites. Comme cet hôpital au Brésil réalisé sans climatisation, avec une ventilation entièrement naturelle malgré la chaleur tropicale : les circuits de climatisation sont en effet des nids à bactéries et ce choix constructif a permis à l’hôpital d’afficher un taux d’infections nosocomiales quinze fois inférieur à la moyenne suisse.

Aux Pays-Bas, les maisons flottantes montrent une possible réponse au défi de la montée des eaux. A Milan, le premier gratte-ciel végétalisé totalise plus d’un hectare de plantations. A Mexico, on trouve le plus grand toit vert d’Amérique latine, totalisant plus de 5 000 m2 et abritant cent espèces végétales différentes. La Suisse n’est pas trop en reste : Bâle, première ville suisse à avoir mis en place une politique volontariste de végétalisation des toits, affiche déjà un taux de 25 % de ses toits plats ou faiblement pentus transformés en « jardins ». Et Lausanne a également introduit une politique similaire à ce propos. Faut-il préciser que la végétalisation des toits n’est pas un gadget : elle contribue à améliorer l’isolation des bâtiments, donc à réduire la consommation d’énergie, augmente notablement la durée de vie des toits et accroît même la performance des panneaux solaires ! Sans parler du gain esthétique, ni de la contribution à la biodiversité et à l’agrément de vie des habitants.

La faiblesse de beaucoup de labels est d’accorder trop d’importance à la conception des bâtiments et pas assez au suivi.

Notre dossier vous présente une foule d’exemples démontrant que les solutions sont multiples et parfois très simples ou abordables dans leur coût ou leur technologie. Vous verrez que la liste des pays les plus dynamiques réserve des surprises : dans l’ordre, ce sont le Canada, la Chine, l’Inde, le Brésil et la Corée du Sud qui, en 2015, comptent le plus de bâtiments certifiés LEED 2. Cela dit, il ne faut pas passer sous silence que le label LEED, par exemple, fait l’objet de critiques substantielles quant aux critères qui permettent d’accumuler les points nécessaires à la certification. Avec pour conséquence qu’un contrôle a posteriori montre que des immeubles certifiés LEED ont des performances énergétiques discutables. Ainsi, le flambant neuf 7 World Trade Center, qui a obtenu le label LEED Gold, n’a pas satisfait aux critères énergétiques de la Ville de New York et a affiché une performance inférieure, selon celle-ci, aux « vieux » Empire State Building ou Chrysler Building. Citons encore le fameux « Concombre » de Norman Foster, dont la ventilation naturelle révolutionnaire s’est mal accordée avec les exigences de ses occupants. La faiblesse de beaucoup de labels est d’ailleurs similaire : trop d’importance est accordée à la conception des bâtiments et pas assez d’attention au suivi, année après année, de la performance effective du bâtiment construit. Il faut surtout garder la tête froide, rester humbles et avoir en permanence à l’esprit combien nos connaissances sont encore lacunaires, les concepts mis en oeuvre imparfaits, et combien chaque choix technique est sujet à la loi des conséquences non souhaitées. Exprimé autrement, nous tâtonnons encore dans la réalisation de projets « écologiques » ou « durables ». Ce n’est pas une raison pour baisser les bras, mais au contraire pour se réjouir de ce vaste champ d’exploration et de découvertes qui nous attend encore, pour autant que nous voulions bien relever le défi.

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