Site archéologique à vendre, faire offre

Ce printemps, la Confédération a fait part de son intention de se séparer de l’amphithéâtre romain de Vindonissa, en Argovie, les frais pour l’entretenir étant trop élevés. L’avenir du site est incertain, ce qui n’est pas sans inquiéter les défenseurs du patrimoine.

Ce printemps, la révélation par la presse alémanique de la possible vente de l’amphithéâtre romain de Vindonissa, en Argovie, a fait l’effet d’un mini-séisme auprès des défenseurs du patrimoine. Si la plupart des biens culturels sont généralement détenus par les cantons, certains, comme Vindonissa, sont en mains fédérales pour des raisons historiques. L’amphithéâtre a ainsi été acquis en 1897 et placé sous la protection des Monuments historiques un an plus tard, ce qui a permis de le sauver de la destruction. Entre 2006 et 2011, la Confédération a procédé à une rénovation en profondeur du site, qui a coûté quelque 5 millions de francs. L’opération visait à conserver les composants originels de la construction selon un schéma clair et des interventions ciblées, en tenant compte des acquis de la science les plus récents et bien sûr en respectant l’histoire des lieux, comme le précise sur son site la Confédération. Les travaux ont porté en particulier sur la restauration des murs, la construction d’un système efficace de drainage et le réaménagement des accès et des installations sanitaires. Parallèlement à la rénovation, des travaux généraux portant sur les installations sanitaires, les zones de repos pour le public et l’intégration du site dans le contexte urbanistique ont été exécutés.

Entretien trop onéreux

A cette rénovation coûteuse se sont ajoutés les frais d’entretien, eux aussi élevés, soit une centaine de milliers de francs par année, selon les estimations de Walter Tschudin, président de l’association Pro Vindonissa, qui veille depuis plus de cent ans sur l’amphithéâtre. C’est trop pour la Confédération, qui a décidé de se séparer du site, arguant que l’entretien des bâtiments historiques n’était pas sa priorité. Désormais, l’amphithéâtre figure sur une liste de biens à vendre, au même titre que le château de Wildegg (AG) et la ruine du Rotzberg (NW). Dans un premier temps, cet objet sera proposé au canton et à la commune. Dans le cas où aucun des deux ne se montrerait intéressé, un appel d’offres serait lancé, a expliqué Jonas Spirig, porte-parole de l’Office fédéral des constructions et de la logistique. Si un privé pourrait théoriquement se porter acquéreur, le montant des frais d’entretien rend la chose peu probable, d’après ce dernier : « L’acheteur doit être en effet capable de garantir la restauration, l’entretien ainsi que la préservation du patrimoine culturel.» Au final, un accord pourrait être trouvé entre la Confédération et le canton d’Argovie, bien que celui-ci ait déclaré ne pas être intéressé. La gestion du site pourrait également être confiée à une fondation, ou à une institution culturelle.
Affaire à suivre !

Interview de Walter Tschudin, président de l’Association Pro Vindonissa

– Depuis quand est-il question pour la Confédération de vendre l’amphithéâtre de Vindonissa ?

– Des discussions sur ce thème ont débuté il y a une dizaine d’années entre la Confédération et le canton d’Argovie. Celles-ci ne se sont pas poursuivies, car elles n’avaient pas lieu d’être tant qu’une rénovation du site importante n’aurait pas été effectuée. Mais depuis que celle-ci a été achevée, en 2011, il n’en a plus été question.

– Au vu de l’importance du site, que ce soit du point de vue historique ou archéologique, comment expliquer que la Confédération puisse vouloir s’en séparer ?

– Il est tout à fait compréhensible que la Confédération ne considère pas comme prioritaire de garder dans son portefeuille un bien culturel qui n’est pas rentable. Mais Vindonissa doit être transmis aux générations futures. Ce seul constat légitime le fait que la Confédération en reste propriétaire, puisqu’elle a une responsabilité culturelle à l’égard des objets qui présentent un intérêt du point de vue national, et l’amphithéâtre romain en fait indéniablement partie.

– Entrevoyez-vous une éventualité permettant de ne pas vendre Vindonissa ?

– La Confédération pourrait mandater le canton, une fondation ou toute autre entité culturelle pour exploiter le site et assurer son entretien. Car aucun privé n’acceptera de s’acquitter de frais d’entretien annuels s’élevant à près de 100 000 francs pour le bien de la communauté. Mais que la Confédération reste le propriétaire ou devienne un bailleur ne change rien au financement, qui doit être pris en charge par le budget dévolu à la culture.

 

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