Singapour, une liberté de la presse au bord de la déprime

La cité-État observe un contrôle strict autour de l’information, mettant en péril l’indépendance des médias. Singapour est indépendante depuis seulement cinquante-deux ans, convoitée pour son développement économique fulgurant et son art de vivre. Mais qu’en est-il de la survie des médias ? Petit tour d’horizon et propos critiques !

Le Straits Times, fondé en juillet 1845, est un quotidien visible dans l’île. Il a survécu à l’indépendance de 1965, évoluant et enrichissant son format papier de supports vidéo et numériques. Mais à quel prix ? «À mon avis, il n’existe qu’un média unique, contrôlé par le Gouvernement», explique Paul, un sociologue arrivé de Chine. « Je suis toujours amusé des récompenses annuelles du journalisme à Singapour, organisées par le Straits Times. Ici, on surnomme ces prix le self-service du Straits Times. Ils sont les seuls gagnants, mais pratiquement aussi les seuls participants. » En réponse à plusieurs de ces attaques qualifiées de caricaturales, le Gouvernement se défend de ne pas participer à l’avancée des intérêts collectifs de la population. Selon lui, le Straits Times rapporte l’essentiel de l’actualité quotidienne et ses journalistes rédigent des articles sur toutes les tendances politiques. En réalité, seule la lenteur de ce média historique dans le traitement des sujets sensibles permet aux médias émergents une réaction ciblée et une certaine visibilité.

Le classement sans concession de Reporters sans frontières

Au-delà du débat autour de la démocratie, la liberté de la presse à Singapour est régulièrement remise en question par les organisations internationales. Dénoncer des agissements politiques, des inégalités sociales ou simplement rapporter des scènes du quotidien sans privilégier une bonne image du Gouvernement est compliqué pour les journalistes. À Singapour, il est très facile de porter le costume d’agitateur, d’insoumis ou encore de rebelle. La sédition est punie par la loi, mais pas par une simple amende, non, par 21 ans d’emprisonnement. L’administration judiciaire est protégée de la presse, tout comme les mentions de race, de religion, de nationalité ou de classe sociale. Le nom et l’image de Lee Kuan Yew, le fondateur de la cité-État, sont assurés d’apparaître dans des récits écrits avec respect et dignité, comme l’exige le guide du Ministère de la Culture, de la Communauté et de la Jeunesse. Le Gouvernement, mené par son fils Lee Hsien Loong depuis 2004, n’est pas plus courtois avec les journalistes. L’Autorité de développement des médias (MDA), friande de procès, est en charge d’en réfréner une grande partie. Le résultat est sans appel : en 2017, Singapour occupe la 151e place du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières sur 180 pays1.

La sédition est punie par la loi, mais pas par une simple amende, non, par 21 ans d’emprisonnement.

Les réseaux sociaux, des acteurs indomptables ?

Cette forme de communication a bouleversé tous les codes installés autour de l’information. Elle a aussi permis aux Singapouriens d’imposer leurs idées et de montrer qu’ils n’étaient pas naïfs face aux nouvelles mises à leur disposition. «J’ai toujours eu l’impression que les médias devaient affronter une sérieuse restriction. Grâce à ces plateformes, j’ai pu l’affirmer ailleurs que dans mon cercle restreint», nous explique Maya H. D’autres interventions sur les réseaux sociaux ont ressemblé à des abus au début, comme un nouveau jouet que l’on ne maîtrise pas encore parfaitement.

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