Remplacer le nucléaire, facile à dire

Le lundi 9 juin dernier, l’Allemagne a battu un nouveau record. De 13h à 14h, 50,6% de sa demande d’énergie a été satisfaite par le soleil, soit 23,1 gigawatts (GW).

Un record qu’il faut relativiser, car c’était le lundi de Pentecôte, un jour férié, donc de moindre consommation. Norbert Allnoch, directeur de l’Institut de l’industrie des énergies renouvelables (IWR), fait un vœu : « Le vent était faible ce jour-là, mais si les énergies solaires et éoliennes peuvent combiner leurs forces, il est envisageable que l’Allemagne, dans un futur proche, soit alimentée quelques heures à 100% par de l’énergie verte, avec l’apport complémentaire de la biomasse et de l’hydraulique. » Ce serait une étape symbolique importante sur le chemin de la transition énergétique. Un chemin cahoteux depuis que le gouvernement d’Angela Merkel a décidé d’abandonner l’énergie nucléaire, en 2011. « Nous avons complètement sous-estimé la complexité de la transition énergétique », a constaté le vice-chancelier Sigmar Gabriel avant de se dire « entièrement convaincu par la réussite de la transition énergétique également sur le plan économique ».

Nous avons complètement sous-estimé la complexité de la transition énergétique.

Un projet trop ambitieux

A l’échelle du projet Desertec, on mesure que les nobles intentions se sont heurtées à de nombreuses difficultés, techniques et financières. Aller chercher l’énergie solaire dans le désert ; cette idée frappée au coin du bon sens s’est pourtant enlisée dans les sables du Sahara. Tout avait pourtant commencé sous les meilleurs auspices pour l’un des projets les plus ambitieux de ce siècle. En 2009, un consortium d’une douzaine d’entreprises allemandes lance le projet en grande pompe. L’objectif est ambitieux : produire 100 GW d’énergies solaires et éoliennes d’ici à 2050 en Afrique du Nord et exporter vers l’Europe pour répondre à 15% de ses besoins. Le coût du projet est faramineux : 400 milliards d’euros. Mais sur le papier, l’initiative a tout du « deal » parfait : création d’emplois au sud de la Méditerranée contre fourniture d’énergie verte au nord de la « Mare Nostrum ». L’idée séduit à coups d’arguments scientifiques : « En six heures, les déserts captent plus d’énergie que l’humanité tout entière en consomme en un an », « chaque kilomètre carré du désert produit annuellement l’équivalent de 1,5 MT de barils de pétrole ».

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Cartographie des pays les plus performants en matière énergétique.

Toutefois, les coûts du marché, les mésententes sur la stratégie industrielle combinés aux difficultés techniques ont plombé l’initiative. « Trop cher, trop utopique », résument les détracteurs. Le projet a réduit la voilure et se contente plus modestement de vouloir fournir de l’énergie localement. Cinq ans après son lancement, la moitié des partenaires industriels et financiers ( Bosch, Siemens, Bilfinger, HSH Nordbank) a quitté le navire. Mais d’autres poursuivent l’aventure, comme le producteur d’énergie RWE. Au Maroc, une centrale solaire thermodynamique de 160 MW, en cours de construction à Ouarzazate, sera opérationnelle en août 2015. L’Algérie s’est fixé l’objectif ambitieux de produire 40% de son électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’ici à 2030. Profitant des erreurs commises et pour capitaliser sur l’expérience acquise, un Desertec France s’est donné pour objectif d’électrifier des villages au Cameroun et au Sénégal.
En Allemagne, 80% de la consommation d’électricité doit provenir de sources d’énergie renouvelables à l’horizon 2050, contre environ un quart à l’heure actuelle. Un généreux régime de subventions a assuré l’essor continu de l’éolien et du solaire ces dernières années, dont la production a triplé en douze ans, mais il a coûté très cher. Depuis l’introduction en 2000 de la loi sur les « énergie renouvelables » (EEG) qui vise à remplacer le charbon, le gaz et la production d’énergie nucléaire par les sources d’énergie renouvelables, le prix de l’électricité pour les ménages a fait un bond de plus de 200%. Les clients allemands paient maintenant le deuxième prix de l’électricité la plus chère d’Europe. Dans les sondages, ils se disent prêts à payer le prix de cette transition qu’ils appellent de leurs vœux, mais dont la destinée est encore incertaine.

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