La rue est à eux

La Société Privée de Gérance (SPG) et la Haute École du paysage, d’ingénierie et d’architecture (HEPIA) remettaient en juin le 11e prix du concours « Paysages urbains : révéler et imaginer » sur le thème de la transition écologique urbaine.

Créé en 2009 par la Société Privée de Gérance (SPG) en association avec la Haute École du paysage, d’ingénierie et d’architecture (HEPIA), le concours « Paysages urbains : révéler et imaginer » récompense un projet d’aménagement paysagé d’un lieu considéré comme sous-valorisé, pour en changer la vision, la fonction et surtout la perception. Il est destiné aux étudiants architectes paysagistes et aux architectes de deuxième année inscrits à l’Atelier CEN dirigé par Nathalie Mongé et Didier Challand, enseignants à l’HEPIA. Ce partenariat, qui fête en 2021 sa 11e édition, est aussi l’occasion pour la SPG, reconnue entreprise formatrice depuis plus de vingt ans, de soutenir les études dans le domaine de l’architecture et de l’aménagement du paysage.

 

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(Frank Mentha)
Luna Valls-Haenni, Nicolas Pineau--Triguel et Oussama Lougania, auteurs du projet « Tambourligne » et lauréats du concours.

Héros du paysage

Contrairement aux éditions précédentes où les participants pouvaient choisir librement le site sur lequel ils allaient travailler, et ce dans les limites du canton de Genève, il leur a été imposé de choisir parmi quatre propositions présentant un intérêt majeur du point de vue didactique et impliquant directement des immeubles en main de coopératives et administrés par la SPG. Quatre groupes d’étudiants ont ainsi participé à ce concours d’idées placé, cette année, sur le thème de la transition écologique urbaine. « Les participants se sont rassemblés autour de quatre personnalités de l’architecture ou de la philosophie en lien avec cette idée, explique Didier Challand. Parmi ces « héros », comme nous les avons appelés, on trouve Simone et Lucien Kroll, couple mythique « d’anarchitectes » qui, dès la fin des années 60 déjà, théorisait sur la participation active des habitants dans la construction de leurs logements. Ou encore Nicolas Soulier dont les travaux sur les zones entre la rue, qu’il considère comme un espace de vie fondamental, et les pieds d’immeuble font figure de pionniers dans le domaine de l’écologie urbaine. »

Les pieds d’immeuble justement. « Des territoires longtemps délaissés, reprend Nathalie Mongé, alors qu’ils assurent la transition entre l’espace privé et l’espace public. Aujourd’hui, on ne les envisage plus de la même façon qu’il y a trente ans. » Notamment en ce qui concerne la place de la voiture qui y est encore prééminente. Dans son projet situé au Clos Pestalozzi, non loin du parc Trembley, le groupe Herman Hertzberger a ainsi décidé de supprimer le parking « qui est très important et occupe l’endroit le plus ensoleillé de cette architecture des années 80 », observe l’un des participants. À la place, le groupe envisage la création de promenades végétalisées, de potagers collectifs et d’espaces d’échange entre les habitants.

« Les quatre sites que nous avons retenus pour le concours présentent des situations urbaines de différentes périodes, entre modernité et postmodernité, continue Didier Challand. Il ne s’agissait pas pour les candidats de faire tabula rasa de ce passé, mais plutôt de réfléchir comment composer avec lui en remodelant certains aspects existants. » Dans le quartier de Soubeyran, le groupe Nicolas Soulier a imaginé une « ligne rouge » reliant les immeubles de la coopérative de cette partie de la Servette. Une ligne qui prend la forme d’une promenade que les habitants sont appelés à s’approprier à pied ou à vélo. Dans la commune de Cressy, c’est avec une série de trois petits immeubles mitoyens qu’a choisi de travailler le groupe placé sous l’égide de Simone et Lucien Kroll. Leur idée ? Créer du lien social à travers des jardins, des carrés potagers et des vergers. « La récolte et l’entretien de ces cultures inciteront une réelle convivialité parmi les habitants de ces trois bâtiments qui, bien que très proches, ne se rencontrent presque jamais », estime l’un des initiateurs du projet.

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(DR)
Le projet Tambourligne est conçu comme une colonne vertébrale végétale dans le quartier de la Tambourine.

Colonne fleurie

Parler et penser l’architecture avec ceux qui la vivent. Le credo du philosophe Ivan Illitch. Celui aussi du groupe qui porte son nom et a retenu la coopérative de la Tambourine pour le concours. Leur projet envisage d’aménager la longue rue qui distribue les numéros 44 à 60 dans ce quartier des hauts de Carouge afin de la rendre aux piétons à travers l’installation d’environnements végétalisés. « Nous l’avons envisagé comme une véritable colonne vertébrale, un lieu de rencontre central et neutre faisant intervenir l’ensemble des bâtiments présents, explique l’une des auteurs de ce projet intitulé Tambourligne qui redéfinit également les identités des entrées des immeubles par le biais d’ensembles de massifs fleuris. »

C’est cette proposition que le jury – composé de Thierry Barbier-Mueller, administrateur délégué SPG, d’Emmanuel Grandjean, responsable des publications SPG, d’Olga Koksharova, architecte paysagiste et lauréate du 10e concours « Paysages urbains : révéler et imaginer », de l’architecte Laura Mechkat, de Nathalie Mongé et de Didier Challand — a choisi de récompenser. « Par l’utilisation de la couleur et la mise à l’écart des voitures, cette proposition à la fois simple et concrète réhumanise et rompt la monotonie de trois barres d’habitation parfaitement identiques », note l’un de ses membres. Le paysage comme une manière de reprendre sa ville en main. ■